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Brève narration d’une histoire d’illégalité...

lundi 6 mai 2013

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Je me mets àécrire àcause de ma récente désignation par les Moyens Malhonnêtes de Masse [1] comme complice dans le meurtre d’une balance lors d’un braquage de banque àParos [2]. La principale raison pour laquelle j’écris est de briser le monopole du discours de l’autorité, du moins quant àma personne et àmes choix.

Il est évidemment particulièrement enrageant de voir chaque pisse-copie, qui a bien appris àramper et àrapporter ce que lui a dit son supérieur, se référer àmoi comme àquelqu’un « sans scrupules Â ». Ceux qui sont sans scrupules sont ceux qui reproduisent les mensonges qui peuvent amener les gens àla destruction. J’interromps donc mon silence dans une situation illégale. J’ai pensé que cela m’aiderait àbouger plus calmement et j’ai choisi de parler. Mais je ne veux pas parler de manière partiale et me créer une image de victime, donc je vais m’exprimer en totalité.

Par conséquent je vais parler de moi...

En tant qu’anarchiste j’ai choisi de participer du mieux que je le pouvais àtoute forme de lutte que je considère comme mettant en avant l’insurrection et la résistance contre l’autorité, des actions publiques dans les manifestations, rassemblements, etc. jusqu’aux formes de guérilla d’insurrection immédiate. Depuis que j’ai expérimenté la violence de l’oppression, j’ai réalisé que la violence était inhérente àla lutte anarchiste. Sans prendre en considération chacune des approches philosophiques de la violence, la réalité montre que toute approche non-violente est au mieux hypocrite, puisque cela implique l’acceptation de la violence de l’autorité, laquelle n’est évidemment pas seulement la répression, mais dont l’emprise s’étend au-delàde ses limites cachées jusqu’au meurtre de masse de gens nés au mauvais endroit et au mauvais moment. Ceux qui me présentent comme un criminel assoiffé de sang sont les défenseurs d’un ordre des choses meurtrier. Ils sont les défenseurs de la domination du capitalisme sauvage basé sur le sang et la torture d’humains et d’animaux, l’extermination de la nature, et ils se cachent derrière des vitres étincelantes et de riches cadres, derrière l’image et le spectacle. C’est ainsi que j’ai réalisé que l’organisation de l’action violente libératrice faisait aussi partie de la lutte...

J’ai donc pris part àl’organisation de structures et actions de guérilla, avec certains de mes compagnons proches, et je me suis tenu aux côtés des compagnons recherchés de la Conspiration des Cellules de Feu lorsque furent lancés contre eux des mandats d’arrêt. Une relation de solidarité et de coopération s’est développée, depuis les discussions sur la stratégie révolutionnaire et les chemins de diffusion des propositions anarchistes jusqu’àl’échange de savoir technique et le soutien technique sur le plan de l’action.

Je n’était pas membre de l’organisation car je ne m’identifiais pas entièrement dans les positions de la Conspiration. J’ai donc choisi de participer àun autre collectif révolutionnaire dont je vais éviter de parler dans cette lettre afin de ne pas donner gratuitement des informations àl’ennemi. Ce collectif parle pour lui-même et il n’est pas nécessaire que je le soutienne de ma signature àcet instant. Mon choix d’être aux côtés de compagnons clandestins, duquel je suis fier, a eu comme résultat mon entrée en clandestinité avec mes compagnons Dimitris Politis et Theofilos Mavropoulos ainsi qu’avec d’autres compagnons "anonymes" jusqu’ici, après l’opération répressive contre l’organisation révolutionnaire de la CCF àVolos (par pure coïncidence, quelques jours après mon attaque symbolique contre le parlement avec un arc et mon arrestation).

Mais laissez-moi vous parlez de ces jours. Ce fut une grande défaite. Pas seulement parce qu’ils ont changé ma vie telle que je la connaissais jusqu’alors, mais parce qu’ils furent un coup catastrophique contre une structure révolutionnaire importante et exemplaire qui avait la possibilité de frapper souvent et dangereusement, articulant un discours qui accentuait tant l’action en elle-même que les perceptions anarchistes révolutionnaires. Néanmoins, les actions de guérilla ne se sont pas arrêtées et ne seront jamais arrêtées par un démantèlement. La seule chose que l’Etat puisse faire momentanément est de geler la flamme de l’action révolutionnaire. Une flamme qui ne s’éteindra pas tant qu’il y aura des gens qui se révolteront contre toute autorité. Aussi longtemps qu’existeront des idées qui s’armeront dans l’action. Bien sà»r, derrière tout cela il y eu le sentiment de la séparation avec les compagnons avec lesquels nous avions eu les mêmes rêves, le sentiment que les compagnons sont maintenant des otages, ce qui ne m’était naturellement pas entièrement nouveau peu de temps avant l’attaque des flics àVolos, avec l’affaire des lettres piégées envoyées aux ambassades pour lesquelles furent arrêtés Gerasimos Tsakalos et Panagiotis Argirou, puis plus tard avec l’arrestation des quatre de Thessalonique et ensuite celle de Mihalis Nikolopoulos. Un sentiment qui ne peut être décrit mais seulement vécu et qui nous amena àla promesse que nous nous sommes fait de tout faire pour les sortir de leur condition de prisonniers.

Ces jours-là, j’ai ressenti ce que c’est que d’être le gibier. Au début je tentais désespérément de rester libre afin de continuer àme battre au sein de structures minimales mais avec des compagnons forts et dévoués, petits en nombre mais pas en esprit. Les fondations furent montées pour notre future vie illégale. Nous étions alors seuls contre l’Etat, contre des milliers de flics et les porcs de la force anti-terroriste. Une force qui est en relation avec les services secrets des Etats dominants du monde. Avec tous ces bâtards en train de nous chasser, nous avons appris ànous planquer, ànous échapper et ànous auto-financer.

Le moment important suivant a été la bataille de notre frère Theofilos Mavropoulos avec les flics àPefki. Je ne donnerai pas plus d’informations àpropos de ma participation ou non àcette bataille. Ce qui est important est l’attitude extrêmement camarade et combative de Theofilos qui s’est battu seul avec un flingue contre deux flics armés. Le résultat fut qu’une personne de plus dans la lutte est restée hors des murs des prisons, et surtout qu’une arrestation sanglante de plus n’a pas pu être ajoutée aux victoires de la police contre nous. J’espère que les os brisés des zélés serviteurs du régime sont toujours douloureux... [3]

Avec un de nos frères de plus en otage dans les cellules de la démocratie, affaibli et amoindri, nous avons vécu une autre défaite... Une défaite qui malgré tout portait en elle une victoire. Parce qu’elle comprenait un refus de se rendre. Ce fut le refus du compromis avec les ordres de l’autorité qui a conduit àla bataille. Ce fut le prix fort laissé pour chaque bataille sanglante qu’ont mené les révolutionnaires contre leurs persécuteurs. La chose principale est qu’il soit malgré tout en vie. Un de nous de plus dedans, qui soutient notre désir d’attaquer les prisons et ce qu’elles représentent.

Et c’est àce moment que commence le sale jeu de la police contre nous, probablement depuis que les flics en chef ont réalisé qu’ils étaient incapables de nous approcher. Ils ont donc commencé àrépandre de fausses informations dans les médias et ont affirmé notre participation àdes actions que nous n’avions pas menées et pour lesquelles ils n’avaient aucune preuve. Pour plusieurs raisons, ils procèdent ainsi dans des affaires où ils pensent pouvoir manipuler « l’opinion publique  » contre nous. Ils ne se soucient pas seulement de nous accuser, mais aussi de nous calomnier. C’est pourquoi ils présentent l’attaque incendiaire dans le métro, où personne ne fut ou n’aurait pu être blessé, comme une attaque terroriste aveugle. Et ils impliquent nos noms dans cette affaire. Je n’ai pas ressenti alors le besoin de clarifier ma position, malgré le fait que j’avais rien àvoir avec cette attaque, parce que finalement ce fut une action avec laquelle je n’étais pas en désaccord. Néanmoins, la réalité est que je ne suis pas d’accord sur plusieurs points avec le discours de l’organisation révolutionnaire Mouvement du 12 février qui en a revendiqué la responsabilité, donc c’est important seulement pour mes compagnons et non pour mes ennemis.

Je considérais alors logique que, depuis que j’étais recherché pour participation àune organisation qui a posé des bombes, j’étais aussi un suspect pour n’importe quelle attaque de cet ordre-là. Mais le sale jeu des flics a pris des proportions tragiques. Ils m’ont accusé de meurtre, comme complice dans le braquage de Paros. Ils ont créé ànouveau des impressions en détournant la réalité pour parler d’une attaque sur un citoyen banal et autres conneries qui ne correspondent sà»rement pas àla réalité. Le fait de mentionner de manière répétée sa profession créa l’impression que les voleurs lui avaient tiré dessus parce qu’il était un chauffeur de taxi (!) et non parce qu’il a bloqué leur fuite, ce qui aurait pu être critique pour les voleurs, tandis qu’une référence àson identité politique - c’était un sympathisant de la Junte - n’a jamais été faite. Bien sà»r, ceci est une image que je crée ànouveau àpartir des mêmes dires des journalistes, je n’étais pas làpour voir ce qui s’est exactement passé, je garde donc une certaine réserve. Cela ne m’empêchera pas de reconnaître le rôle de la balance dans cette affaire, bien sà»r. Mettons de côté le fait qu’ils m’accusent de cela. Ils en sont arrivés au point de montrer une photo du braquage et de spécifier qui j’étais ! Et ensuite ils ont montré une photo de moi avec l’arc et la flèche sur la place Syntagma. Voilàcomment ils manipulent l’opinion publique, avec de telles techniques ils créent et établissent tous les mensonges qui aident l’autorité àaccomplir l’allégeance de la population. Ces nouvelles fabriquées de toutes pièces sont vues par tous les héros-balances en devenir, comme Dimitris Mihas, qui ensuite se sacrifient d’eux-mêmes pour servir la loi et l’ordre.

Si je clarifie le fait que je n’étais pas là, ce n’est pas pour me sauver par un mensonge technique. C’est une vérité que je dois clamer car, si je leur permets de dire ce qu’ils veulent, au final je serais accusé de tout. Et je ne veux pas assumer la responsabilité de ce dont je ne suis pas responsable. Je ne négocie pas mon honnêteté, et je défends passionnément la position que ce que les révolutionnaires disent dans leurs discours publics ne peuvent être des mensonges. Tout simplement parce qu’une tendance ànettoyer les textes depuis une ligne de défense au sein des institutions (compréhensible àun certain point), quand elle est appliquée en contournant la valeur de l’honnêteté (pas envers les flics et les juges, mais envers ceux qui veulent nous entendre) finit par être un discours qui perd son importance révolutionnaire et devient une technique de défense juridique. Et àla fin les révolutionnaires perdent leur crédibilité.

Quand j’ai appris l’histoire du braquage de Paros, instinctivement mon esprit a été du côté des auteurs de l’action. Je veux croire que les flics n’arriveront pas àles attraper. J’ai lu des articles comme quoi ils sont sur leur piste et je pense : « quelles conneries, et ils ont dit de moi tant de fois qu’ils étaient sur ma piste alors que ce n’était que des mensonges. Ils m’ont eu pour de vrai une fois et les journalistes l’ont fermée, ils se trompent probablement... Â ».

Il y a maintenant de nombreuses choses que je voudrais partager dans cette lettre mais je m’auto-censure àcause du danger toujours présent que l’ennemi arrive àdes conclusions qui l’aideront dans sa guerre contre nous. Le temps viendra peut-être où cela n’aura plus d’importance pour l’ennemi et alors je parlerai.

Il est important que je me réfère au compagnon Tasos Theofilou qui a été arrêté dans cette affaire. Je ne le connais pas personnellement mais je reconnais dans ses écrits une personne digne. Je ne fais pas confiance àce que les flics racontent et je crois tout ce que le compagnon écrit dans son texte public. Je considère néanmoins que plus que tout il a besoin de notre solidarité pour ne pas être enterré silencieusement. Je lui envoie une accolade fraternelle et un « courage compagnon ! Â ».

Finalement, je voudrais envoyer mon amour àmes frères dont les murs des prisons nous séparent, àTheofilos, les membres de la Conspiration, les trois de Thessalonique et àRami qui a toujours tenu haut le drapeau de la guerre révolutionnaire et ne se rend jamais. Leur lutte sans compromis contre l’humiliante fouille ànu (et d’autres compagnons qui sont aujourd’hui remis en liberté) leur a coà»té des dizaines de jours de mitard, des sentences disciplinaires et d’épuisantes grèves de la faim.

Leurs batailles pour la dignité sont toujours une incitation àl’action. Une preuve substantielle que la lutte continue àl’intérieur des murs des prisons, àtravers le développement de luttes dynamiques comme le refus des fouilles ànu, que ce soit avec des flingues ou des couteaux en tentant d’arracher sa liberté et de s’évader du régime d’otage que l’ennemi leur a imposé, comme par exemple la tentative d’évasion des membres de la CCF et de Theofilos Mavropoulos de la prison de Korydallos.

Et pour finir, mes salutations chaleureuses àtous les anarchistes, combattants et prisonniers insubordonnés, tout comme pour les compagnons en cavale de par le monde.

HONNEUR AUX MORTS DE LA GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE
POUR LA RÉVOLUTION ET L’ANARCHIE
L’INSURRECTION D’ABORD ET TOUJOURS

Depuis ma cachette inconnue
Giannis Mihailidis

[22 aoà»t 2012]

[Traduit du grec par nos soins de Indymedia Athènes.]


[1En grec les médias de masse sont désignés par l’abréviation "M.M.E.".

[2Le 10 aoà»t 2011, un braquage d’une succursale de l’Alpha Bank s’est tenu dans la ville Naoussa, sur l’île de Paros. Dimitris Mihas, par ailleurs sympathisant de la Junte des Colonels, est le chauffeur de taxi qui a tenté d’arrêter les 4 braqueurs, chose pour laquelle il a reçu deux balles dans la tête. Giannis Mihailidis a été accusé d’avoir participé àce braquage.

[3Le 18 mai 2011, une patrouille de flics tente de procéder àun contrôle de routine dans le quartier de Pefki àAthènes. Les deux compagnons visés ont immédiatement décidé de partir, les flics les ont poursuivis et peu de temps après les compagnons ont commencé àleur tirer dessus. Les flics ont répondu, Theofilos Mavropoulos a été blessé dans la fusillade et arrêté. Le compagnon restant, indemne, a réussi às’enfuir dans la patrouilleuse, avec encore un flic dedans qu’il a jeté dehors deux kilomètres plus loin.