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Bruxelles : Deux tracts de ces derniers jours

jeudi 7 octobre 2010

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MALGRÉ TOUT - Aux rebelles d’ici et d’ailleurs

Les mots peuvent difficilement saisir une réalité, les sentiments et les désirs dépassent toujours ce qu’un vocabulaire nous offre. Cependant, il est d’un intérêt vital de parler, de tenter d’exprimer ce que nous pensons et ce que nous ressentons. Certainement dans les moments où la terreur de l’Etat et de ses forces de l’ordre cherche àrendre tout le monde muet.

Depuis des années, nous disons que pour penser et parler librement, il faut de l’espace et du temps. Et cet espace et ce temps ne nous sont jamais donnés, on ne peut que les conquérir nous-mêmes, l’arracher avec toute la violence àla réalité de tu ne feras et tu dois. Voilàpourquoi nous avons parlé et nous parlons de révolte, d’actes par lesquels nous nous créons l’espace pour vivre, pour donner une expression ànos désirs de liberté qui ne tolèrent point la misère nauséabonde et la laideur de ce monde.

La semaine dernière, l’Etat a choisi de remplir tout espace possible avec des uniformes, des fourgons, des policiers en civil, des cellules et des mauvais traitements. Déjà, l’Etat supporte àpeine que les anarchistes incitent en mots et en actes àla révolte, mais cette semaine, tout a été déployé pour empêcher toute rencontre entre les différentes rébellions qui fermentent la conflictualité sociale àBruxelles. Et l’autorité a parlé le langage le plus simple àsa disposition : la terreur, c’est-à-dire une violence systématique et indiscriminée.

La manifestation annoncée du 1er octobre contre les centres fermés, contre toutes les prisons et les frontières, contre l’Etat ne devait pas avoir lieu, àaucun prix. Une interdiction d’attroupement a été décrétée dans quatre communes bruxelloises et pendant qu’une force policière imposante arrêtait toute personne tournant autour de l’endroit du rendez-vous, d’autres escadrons gardaient les quartiers et les stations de métros d’une poigne de fer. Les alentours des prisons de Forest et de Saint-Gilles ont été hermétiquement fermés tandis qu’au cœur d’Anderlecht, des policiers cagoulés patrouillaient, les mitraillettes àla main. Des centaines de personnes ont été arrêtées préventivement, des dizaines ont été humiliées, maltraitées et frappées dans les commissariats.

Disons-le clairement : l’Etat n’a pas peur d’une poignée d’anarchistes, mais craint une possible contagion sociale àlaquelle les révolutionnaires Å“uvrent de jour en jour. Depuis longtemps, Bruxelles semble être une poudrière sociale où on cherche àmater les tensions sociales àcoups de plus de police et plus de blessés ou de morts du côté de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, engagent la confrontation. Néanmoins, les tensions sociales continuent às’exprimer de manière radicale : des émeutes récurrentes dans les quartiers aux mutineries dans les centres fermés et les prisons, des attaques ciblées contre les structures de l’Etat et du Capital jusqu’àune hostilité qui continue àse répandre contre tout ce qui porte l’uniforme de la répression. Probablement, la manifestation annoncée du 1er octobre était une des possibilités de rencontre entre les différentes rébellions et les idées anti-autoritaires - et cette rencontre a été écrasée.

Malgré la pacification militarisée des derniers jours, nous continuons àdiriger notre attention ardente vers cette poudrière sociale, en sachant que chaque occasion peut être la bonne pour mettre le feu àla mèche. Et làoù la proposition d’une manifestation s’était heurtée àdes obstacles presque infranchissables, d’autres pratiques et activités sauront se frayer un chemin.

Malgré les murs policiers qui cherchent ànous tenir séparés, nous continuons àpenser que la rencontre entre les différentes rébellions reste possible, souhaitable et nécessaire. Aucun racket répressif de la part de l’Etat ne nous fera renier cet enthousiasme.

Malgré le fait que l’initiative nous ait été arrachée ces derniers jours, nous sommes déterminés, avec le cœur et la tête, àreprendre l’initiative dans nos propres mains. Malgré tout, nous continuons. Rien n’est fini... les possibilités sont toujours là, prêtes àêtre saisies.

A l’heure actuelle, quatre compagnons résident derrière les barreaux de la prison de Forest, accusés de complicité pour une attaque d’un commissariat bruxellois la nuit du 1er octobre. Faisons en sorte qu’ils sentent notre affection et notre solidarité.

Des anarchistes qui ne lâchent pas l’affaire ...

Bruxelles, 5 octobre 2010.


A propos de la manifestation du 1er octobre

Depuis quelques temps déjà, nous avons pris l’habitude
d’aller dans les quartiers avec l’intention de discuter
des centres fermés et des prisons pour les relier à
l’ensemble des causes qui oppriment nos vies. Nous
avons le désir de faire des rencontres autant que de
partager des idées, des infos, des révoltes… Car à
l’intérieur des taules, des luttes et des révoltes
(mutineries, incendies…) s’organisent et trouvent à
l’extérieur des échos et des solidarités sous diverses
formes d’attaques (émeutes en solidarité avec les
prisonniers, attaques d’entreprises collaborant àla
construction des prisons et des centres fermés, affiches,
manifestations, tags…).

Ces expériences nous ont donné l’envie de proposer un moment plus
conséquent d’occupation de la rue : la manifestation du 1er octobre contre les
centres fermés, contre les frontières, contre les prisons, contre l’État.
Manifestation que nous n’avons pas voulu déclarer aux autorités parce que notre
désir de révolte n’a rien ànégocier avec la volonté de contrôle de cet État qui
expulse, enferme et opprime. Celui-ci nous aurait ainsi imposé un parcours tracé
qui nous aurait éloigné des quartiers où ces réalités sont vécues quotidiennement
et nous aurait fait apparaître comme différents de ceux en qui nous reconnaissons
une complicité.

Cette manifestation n’a pas eu lieu. Dans les jours qui ont précédé, les
communes de Forest, Saint-Gilles et Anderlecht ont voté un arrêté spécial
interdisant les regroupements de plus de 5 personnes. Ceci conjugué àl’énorme
dispositif policier a abouti àl’arrestation d’environ 200 personnes, la plupart
relâchées dans les heures qui ont suivi, d’autres maintenus en détention
préventive, soupçonnées d’avoir participé le soir même àl’attaque du
commissariat de la place du Jeu de Balle.

Cela n’a malheureusement rien d’étonnant : sur ces sujets comme dans les
réalités quotidiennes de beaucoup d’entre nous, la répression sous diverses formes
(flics, juges, matons…) permet àl’État de bâillonner, d’isoler, de cloisonner
chaque aspect de nos vies. Rien d’étonnant non plus quand on sait que cela répond
aux nécessités de l’économie pour le plus grand bonheur de ceux qui en tirent
profit, les mêmes qui nous exploitent.

Et pourtant, dimanche après-midi, on est encore làavec la volonté de poursuivre
la lutte que nous avons engagée. Parce que cette manifestation était pour nous
plus qu’un bref instant de rébellion. Et parce que nous continuons de chercher à
rencontrer des personnes et les moyens d’attaquer ce monde et ceux qui
l’exploitent.

VIVE LA LIBERTÉ ! FEU À TOUTES LES PRISONS !