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Grèce : L’imposition de la normalité sociale dans le quotidien des prisons
Lettre de l’assemblée d’anarchistes pour la liaison des luttes dans la société-prison
lundi 3 février 2014
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Lettre diffusée à l’intérieur des prisons grecques par le biais de l’assemblée d’anarchistes pour la liaison des luttes dans la société-prison, Thessalonique.
Cette lettre est la continuation d’une première tentative de communication de notre part au printemps dernier. Comme nous l’avions déjà écrit dans la lettre précédente, le quotidien dans les prisons grecques devient de plus en plus insupportable. Dans une situation où les gens dehors se sentent de plus en plus coincés et limités, il faut s’attendre à ce que dans les prisons, celles-ci n’étant qu’un condensé de la société, elle soit vécue encore plus durement.
Lois et normalité
La Grèce contemporaine, ne pourrait pas ne pas être conséquente envers l’évolution normale qu’elle doit avoir en tant que partie du capitalisme mondial.
À savoir, du système qui exige de tous ceux qui vivent dans ses limites qu’ils acceptent totalement les termes de vie qu’il impose. Ces conditions sont dans le fond les lois qui déterminent « ce que doit  » et « ce que ne doit pas  » faire tout un chacun. Lorsque quelqu’un ne les accepte pas, l’État et l’autorité vont essayer de le remettre dans le « droit chemin  ». Et quand quelqu’un persiste à ne pas suivre ce dernier, ils tenteront de l’éliminer.
Il existe plusieurs façons par l’intermédiaire desquelles la domination va essayer de construire pour quelqu’un une vie « alternative  » ou « normale  » : le stade, la drogue, les partis politiques, etc. Il existe malgré tout des gens qui à travers leurs choix perturbent le cours normal de la domination. Ceux-ci auront à se confronter avec l’autre aspect des lois, le châtiment. C’est-à -dire, ce qu’ont à affronter ceux qui ne se conforment pas avec le « ce qu’on doit  » et « ce que l’on ne doit pas  » faire.
La prison n’est bonne que pour ceux qui la construisent
La prison représente le moyen le plus important de punition et le système pénitentiaire est une dernière tentative de la part de l’autorité de remettre quelqu’un dans la voie de la légalité. Et puisque dans le cas de la prison le pouvoir étatique a affaire avec des gens qui ne se sont déjà pas conformés aux lois, il applique une série de méthodes et de stratégies de manière à réprimer et décompresser toute possibilité de conflit entre les détenus et la prison, y compris ses serviteurs.
Ainsi, le détenu devient une partie du système qui, après l’avoir violemment éloigné de ses proches, l’isole socialement, le limite, le discrimine par rapport à d’autres personnes de par son origine, sa couleur de peau, son sexe ; et souvent le retourne contre eux. Toutefois, on donne la possibilité au détenu de choisir entre héroïne et médicaments psychotropes pour qu’il puisse dormir tranquillement dans sa cellule, mais aussi pour que les directeurs des prisons, les gardiens-chefs et les ministres soient tranquilles dans leurs maisons. On lui donne la possibilité de se faire un peu de pognon en trafiquant des produits quand l’administration tourne les yeux ailleurs, tandis que lorsque cette dernière veut présenter des résultats ou reprendre son monopole, elle le poursuit. On lui donne la possibilité d’être dans une « bonne  » prison, sans problèmes, quand il ne crée pas lui aussi de problèmes aux gardiens et à ses codétenus balances. Une « bonne  » prison où il peut parler jusqu’à une heure avec ses proches à la cabine téléphonique et presque une nuit entière au portable dans sa cellule (toujours anxieux de ne pas se faire choper). Une « bonne  » prison où il peut prendre l’air cinq heures par jour, où il ne sera jamais envoyé au mitard. Une « bonne  » prison, enfin, où quelqu’un qui dans sa vie avait choisit de ne pas être un esclave, aura la possibilité de travailler. Voilà la « bonne  » prison. En vaut-elle la peine ?
Les conflits internes et les buts contre leur camp
C’est une réalité que trop souvent et pour des raisons insignifiantes, que ce soit la drogue ou des questions raciales, des conflits éclatent dans la prison, comme c’est le cas ces derniers temps dans la prison de Korydallos et ailleurs ; des conflits qui se généralisent et se terminent par des affrontements. Ce qui est sà »r et certain, c’est que dans ces situations, le seul qui ressort gagnant des conflits est l’administration et non pas les groupes impliqués. Il est clair que ce que veut l’administration, c’est que cette rage ne se retourne pas contre elle, et empêcher toute possibilité de révolte. Et en se fixant ce but, elle n’hésitera pas à utiliser n’importe quel moyen de répression, qu’il soit visible (comme par exemple les interventions des forces spéciales EKAM dans les cellules pour procéder à des fouilles) ou plus insidieux (comme les drogues et le trafic lesquels sont gérés par les gardiens la plupart du temps).
Un détenu anonyme de la prison de la Santé l’avait déjà dit : « Il y a tout de même, une guerre sociale à l’intérieur de la prison, la même que dehors. Mais il y a aussi une guerre civile qui s’entrechoque avec elle, comme dehors. Résultat, certains n’hésitent pas à balancer d’autres détenus pour un bout de shit ou pour éviter un pauvre jour de mitard. On n’hésite pas à se faire la guerre entre détenus sur des critères de couleur de peau, à mater les révoltés soi-même pour assurer sa tranquillité et son petit trafic, à sympathiser avec les matons pour pouvoir lécher quelques miettes de vase en plus, parfois même à les intégrer socialement au sein des détenus, à draguer et coucher avec les matonnes. A vrai dire, il n’y a plus deux camps, il y a autant de camps qu’il y a de couleurs de peau, et qu’un uniforme recouvre ou non la peau ne fait plus aucune différence. La prison étant remplie à très forte majorité, d’un côté comme de l’autre, de « noirs et d’arabes  », les connivences et les complicités se font et se défont sur ces critères-là plutôt que sur la question de « qui tient les clés et qui ne possède rien  ».
Retournons la rage contre ceux qui tiennent les clés des cellules pour enfermer des humains chaque jour ; ceux qui après leur travail barbare vont dormir tranquilles dans leurs maisons ; ceux qui de toute façon sont là chaque jour pour te rappeler que tu n’es qu’un simple chiffre et un cas judiciaire parmi tant d’autres.
Que la rage se retourne contre ceux qui nous privent de la liberté à l’intérieur et à l’extérieur des prisons.
Aucune nation ne nous sépare
Aucun chef ne nous unit
Solidarité entre ceux qui se révoltent
A l’intérieur comme à l’extérieur des prisons
21 octobre 2013
Assemblée d’anarchistes pour la liaison des luttes dans la société-prison
Si vous souhaitez nous contacter vous pouvez nous envoyer une lettre à l’adresse ci-dessous :
ΤΚ 54006
ΤΘ 1571
Thessaloniki
[Traduit du grec par nos soins de sasta.]