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Introduction et deux textes sur la situation répressive actuelle en Grèce

lundi 26 avril 2010

Le 10 avril 2010, six anarchistes grecs ont été arrêtés, accusés d’appartenance àl’organisation armée « Lutte Révolutionnaire  ». Les médias y ont ajoutés encore les noms de quatre autres anarchistes, présentés comme des « possibles complices  ».
Quelques compagnons arrêtés ont été soumis àde durs interrogatoires par la police (coups de bâtons sur des corps nus etc.). Quelques jours après les arrestations, la police a découvert un garage où ils ont trouvé des armes et plusieurs dizaines de kilos de matériel explosif. Entretemps, une énième rafle (fait désormais devenu tristement habituel) a eu lieu àExarchia (Athènes). 70 compagnons ont été amenés au poste.
Concernant l’organisation Lutte Révolutionnaire, la police estime qu’ils ont pris « la relève  » après la désarticulation des organisations combattantes marxistes 17 Novembre et ELA. Lutte Révolutionnaire a revendiqué ces quatre dernières années quelques dizaines d’attaques àl’explosif contre des banques, des entreprises, des institutions et des ambassades.

Il est clair qu’avec les arrestations et le spectacle médiatique monté autour, l’Etat grec vise aussi àdétourner l’attention des mesures d’austérité drastiques, le quasi effondrement de son économie et son placement récent sous la tutelle du Fond Monétaire International (FMI), et de créer une espèce d’unité nationale contre « le terrorisme  ». Néanmoins, quasi au quotidien, des grèves éclatent en Grèce, les manifestations deviennent toujours plus nombreuses et massives et des sabotages et des attaques continuent àfrapper les structures de la domination ; le mécontentement et le désordre prennent des proportions qui ne se laissent pas facilement réprimer, pas meme avec la carte de la force brutale que l’Etat semble jouer toujours plus.

Suite aux arrestations, les universités d’Athènes et de Thessalonique ont immédiatement été occupées par des anarchistes et des anti-autoritaires. Toute une série de manifestations ont parcouru les rues des villes et les occupations de radios, de sièges de journaux, de chaînes de télévision et d’institutions se multiplient. En même temps, les attaques avec la pierre et le feu ont été menées contre les structures du Capital et de l’Etat, aussi bien àAthènes et Thessalonique que dans les villes moyennes.

On trouvera ci-dessous les traductions de deux textes qui recadrent les arrestations dans leur contexte social. N’oublions pas non plus que les arrestations récentes ne sont que le dernier triste exploit d’une répression toujours plus accrue contre le mouvement anarchiste dans toute sa diversité. Des dizaines de compagnons se trouvent actuellement derrière les barreaux et des dizaines d’autres ont dà» partir en cavale.

A propos du terrorisme de l’Etat grec

Samedi 10 avril, le lendemain de l’annonce des détails du pompeux « plan d’aide pour l’économie grec  », des agents de l’unité anti-terroriste perquisitionnent plusieurs maisons de compagnons anarchistes. Ils disent qu’ils sont àun pas de la désarticulation de l’organisation « Lutte Révolutionnaire  ». Tandis que l’Etat grec vire àvitesse maximale vers la subjugation au FMI - avec tout ce que ça signifie pour la population -, la première nouvelle sur le journal télévisé était « le grand succès du Ministère pour la Protection du Citoyen  », « l’arrestation de terroristes impitoyables  » et « la victoire de la démocratie  ».

Dimanche 11 avril, le bureau de presse de la police grecque annonce que les anarchistes Nikos Maziotis, Panaiota Roupa, Kostas Gournas, Sarandos Nikitopoulos, Christoforos Kortesis et Vangelis Stathopoulos ont été arrêtés après des perquisitions qui ont apporté « des informations très précieuses  ». Quasi au même moment, les journalistes en envoyée spéciale entrent dans les maisons de certains arrêtés et présentent des « preuves irréfutables de leur activité criminelle  » comme des livres, des textes, des tracts anti-autoritares, du matériel sportif, des réveils et des vélos.
L’activité journalistique était tellement rampante qu’elle atteignait le sommet quand les grandes chaînes de télévision laissent filtrer de soi-disant « conversations àpropos des bombes  » qui impliqueraient les six arrêtés dans l’explosion dans le quartier de Patissia qui a couté la vie d’un réfugié afghan de 15 ans. Après toute une journée de rabâchage àpropos d’une conversation téléphonique lors de laquelle deux des prisonniers s’amusaient avec le spectacle de l’afghan et sa sÅ“ur qui « fouillaient la bombe  », les vautours de la télévision se sont vus obligés d’admettre qu’une telle conversation n’existait pas et qu’aucune autre donnée pourrait « lier  » les six compagnons àl’explosion àPatissia. Parallèlement, ils se hâtaient bien sà»r àpublier les noms d’autres compagnons qui, selon leurs « informations validées  » (en direct du quartier général de la police), seraient impliqués dans « Lutte Révolutionnaire  ». En même temps, certains des arrêtés ont été torturés par les hommes du ministre Chrisohoidis ; concrètement, le compagnon Kostas Gournas qui a été obligé àse dénuder pour ensuite être frappé. Les flics ont aussi menacé ses enfants et sa compagne de mort.

C’est un secret public parmi les employés des médias qu’àl’aube de la « grande opération  », son Excellence Défenseur du Citoyen Michalis Chrisohoidis a convoqué une réunion avec les patrons des chaînes de télévision et des journaux pour s’assurer de leur soutien indispensable àsa campagne terroriste. En plus, il était nécessaire de présenter la police grecque et sa coupole politique comme les défenseurs d’une « cause commun  » tout sauf clair, d’un « blindage de la société contre le terrorisme  ». Dans ce sens, on a demandé (et on continue àdemander) aux citoyens de se convertir en délateurs ; de contribuer àétançonner la carrière d’un ministre dingue et ses subordonnés ; de participer activement au plan de « rebaptiser  » le « monde politique  » complètement effondré. Cet admirable « cause commun  » n’est en réalité bien sà»r pas du tout commun. Sauver les banques, les ambassades et les bureaux de police n’est pas en ne pourrait jamais être la compétence des opprimés. Ceux qui ont assumé de défendre ces soi-disant « institutions de prospérité  » sont ceux qui trouvent bien leur existence.

Les médias de masse comme le fer de lance de la nouvelle « campagne antiterroriste  » de l’Etat grec pointent vers les coupables - qui doivent brà»lés comme des sorcières - et servent un but clair : l’affaiblissement de la résistance sociale, faire peur àceux et àcelles qui se battent et qui voudraient se battre contre la misère qui est imposée avec des pas gigantesques. Les derniers jours, un climat de hystérie terroriste a été déclenché dont le but principal est d’isoler socialement les combattants tandis que la répression, les arrestations et les opérations fantasmagoriques de l’armée policière ont pour but de faire un exemple et de terroriser ceux qui veulent descendre dans la rue pour conquérir le contrôle de leurs vies. La conjoncture économique et sociale est la plus puissante bombe àretardement qui menace de faire sauter en l’air les privilèges de tous ceux qui vivent sur le dos des exploités. Toute perspective àrassembler la résistance contre les plans du pouvoir est une épine dans les yeux des autorités politiques qui - conscientes qu’ils ne peuvent plus atteindre leur but de conformisme par leur harangue social-démocrate, par leurs petits gestes pro-social et leurs imbécilités àpropos de « l’Etat de droit  » - se cachent toujours plus derrière la répression et le terrorisme brutal. Le cas de la « désarticulation de Lutte Révolutionnaire  » est une tentative parallèle visant àdépouiller de ses contenus et àcriminaliser le milieu anarchiste / anti-autoritaire et àbriser les rapports de camaraderie et de solidarité forgées dans la lutte. Dans un contexte de mesures économiques toujours plus asphyxiantes imposées par le FMI, l’UE, la Banque Européenne, l’Etat grec et le Capital, la surveillance permanente et croissante, le contrôle et la répression sont les seules réponses données àtoute personne qui s’insurge.

Toutefois, ceux qui parlent de « violence aveugle  » tandis que ce sont eux àenvoyer dans les rues des villes une énorme armée d’occupation formée par des mercenaires ; àterroriser, àassassiner, àlivrer au désespoir, font de mauvais calculs. Nous n’avons nullement l’intention de laisser nos compagnons dans leurs griffes, dans leur merde, dans leur recherche de vengeance, indépendamment de leur « innocence  » ou leur « culpabilité  ». C’est dans ces temps difficiles que chacun est invité àdémontrer qu’il est un homme libre. Qu’il n’est pas un esclave et qu’il ne se résigne pas àla soumission comme seule manière de vivre. Nous ne choisissons nos chemins pas selon les critères, les normes et la légalité du pouvoir, nos seules critères sont la lutte pour l’abolition de l’exploitation et l’oppression de l’homme par l’homme et la voix critique des opprimés. Il est temps de soutenir les uns les autres face àtous ceux qui plument de jour en jour nos vies et la planète ; il est temps de parler et d’agir.

Maintenant et toujours, la solidarité est notre arme !

Liberté pour les arrêtés dans l’enquête contre « Lutte Révolutionnaire  ».

Solidarité avec tous et toutes qui sont ciblés par la police et ses charlatans.

Antipnoia


L’Expérimentation de Philadelphia

Des flics armés de mitraillettes ; des barrages de rue nocturnes ; des contrôles humiliants àchaque coin de la rue ; des policiers en civile du régime qui toquent àla porte pour urger la population àdonner des noms ; des informateurs complaisants qui se pressent àoffrir leurs services ; des gens angoissés parcourant la rue en essayent de « s’occuper de leurs propres affaires  ». Est-ce que c’est Berlin 1936 ou Nea Philadelphia 2010 àAthènes ? Un retour vers le passé ou une expérimentation pour l’avenir ?

La seule chose qui est sà»re, c’est que jusqu’ici, il n’y a pas eu de coup d’Etat et que le premier ministre Papandreou n’a toujours pas décidé de tondre un peu sa moustache. Et la raison pour laquelle tout ceci n’est pas passé, c’est simplement parce que ce n’est pas nécessaire. Les démocraties occidentales ont appris de leurs erreurs, tout comme elles ont intégrés les éléments du nazisme utiles pour eux. L’état d’exception, c’est-à-dire, la condition imposée avec comme prétexte la désarticulation de l’organisation « Lutte Révolutionnaire  », fait bien le boulot et il n’y a pas besoin de blindés tape-à-l’œil, des camps de concentration ou la suspension de la constitution.

... et ce « boulot  », ce n’est rien d’autre que transformer la condition qui est actuellement présentée comme si elle ne concerne qu’un poing de personnes, pour véhiculer toute une série de changements qui concerneront tout le monde. L’état d’urgence imposée actuellement àNea Philadelphia, jette les premières bases pour son fonctionnement en tant que normalité, comme quelque chose qui peut se réaliser àchaque fois quand l’Etat le juge nécessaire. La force de l’Etat n’est jamais exclusivement dirigée contre une cible fortuite. A chaque fois qu’elle est appliquée sans rencontrer de la résistance, elle se répand dans toutes les directions, elle s’établit toujours plus, elle établit sa capacité d’appliquer de nouveau la force, partout, contre tout le monde, sous n’importe quelle prétexte présentée comme « nécessaire  »... l’état d’exception tend vers son devenir la règle.

Et donc, tout le monde qui croit que l’état d’exception imposée àNea Philadelphia n’a rien àvoir avec lui, est en train de dormir - et le réveil ne sera pas du tout agréable. Tout le monde qui croit les barrages de rue nocturnes, les rafles, les check-points, les patrouilles de police àpied et les « interrogations aimables  » de l’unité anti-terroriste sont les conséquences logiques d’une « désarticulation nécessaire de Lutte Révolutionnaire  » basée sur certaines preuves ou au moins sur quelques soupçons fondés àl’encontre de quelqu’un qui « cherche des problèmes  », ne fait rien d’autre que joyeusement scier l’arbre sur lequel il est assis.

Tout le monde qui regarde tranquillement pendant que les personnes en lutte sont poursuivies et enfermées, présentées comme des bêtes sur les écrans de télévision simplement parce que, dans les yeux du pouvoir, elles seraient « des terroristes  », doit comprendre que cette rationalisation fait partie d’une même stratégie qui présente les politiciens comme innocents, les propriétaires des bateaux comme des philanthropes, les flics comme les défenseurs des citoyens, les leaders syndicaux comme les protecteurs des droits des ouvriers, les immigrés comme des criminels, des grévistes comme des clandestins. Ils doivent comprendre que la « désarticulation de Lutte Révolutionnaire  » est essentiellement un instrument pour la détention et la désarticulations potentielles de toute désobéissance sociale possible. Et ceci ne concerne bien sà»r pas seulement les guérillas urbains ou le mouvement anarchiste / anti-autoritaire, mais tout le monde pour qui l’alibi du capitalisme ne vaut plus.

Personne n’a besoin de diplômes en sociologie pour comprendre que l’effondrement de l’euphorie consumériste du premier monde, les mesures d’austérité, la subjugation du pays au FMI et la réalité au quotidien de la croissance asphyxiante de la surveillance et du contrôle ne laissent peu d’espace pour les gens faire les ignorants. Il ne reste peu d’espace pour rester silencieux ou anxieux dans la non-action. Et encore plus sà»r, c’est qu’il ne peut plus y être de l’espace pour la formation d’une armée de réserve complaisant et servile et des collaborateurs de l’autorité. Une armée de réserve qui se personnalise dans l’un ou l’autre salaud qui trouve une sortie àsa misère individuelle dans la « reconnaissance sociale  » de l’informateur, celui qui est prêt àfaire le sale boulot dans une quelconque « cause commun  » contre « le Mal absolu  ».

Tous ceux qui veulent rejoindre les rangs de cette armée des patrons, doivent être immédiatement isolés et écartés. Leur position et leurs motivations doivent être dévoilés et coulés au pilori. Les motivations qu’eux présentent comme une vertu doivent être contrecarrées publiquement. Chaque collaborateur non-sollicité de la loi doit en prendre acte.

Zéro-tolérance contre le terrorisme de l’Etat et des médias.

Libération immédiate de tous ceux qui sont poursuivis dans l’enquête contre l’organisation « Lutte Révolutionnaire  ».

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Anarchistes / Anti-autoritaires
Athènes, occupation de l’Ecole Polytechnique, 12 avril 2010.