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Italie : L’embarras du choix

Brochure contre le MUOS et l’industrie de la guerre

mercredi 13 novembre 2013

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L’ordre social ne forme qu’un bloc. Un bloc de même fonte.
On peut, selon les teintes, donner àchaque veine un nom différent.
On y trouve la veine du capitalisme, la veine du cléricalisme, la veine du militarisme et bien d’autres encore. Mais on ne sait porter un coup de pioche contre telle veine sans toucher telle autre tant elles s’entrecroisent, se mêlent, se mélangent. Elles viennent d’une même coulée.
Albert Libertad

Depuis des mois, on parle du MUOS et de la contestation qui se développe sur le territoire de Niscemi (Sicile) où se dressent de nombreuses antennes dont une est justement en cours de construction.

Nous avons entendu parler des voix indignées de politicards de toutes sortes, de techniciens et de professeurs prêts àrédiger des rapports et publier des études, tantôt sur la dangerosité de la pollution électromagnétique et son impact sur la santé et l’environnement, tantôt sur son absolue innocuité. Des paroles et des discours, de sales engagements politiques et illusions populistes.

Làoù l’on pourrait se moquer des gens ou instrumentaliser leur possible dissension, les interventions de quelques types sournois ne manquent pas.

Si nous essayons de nous arrêter sur ce qu’est concrètement le MUOS, nous comprenons immédiatement comment les avis de politiciens et de savants, d’autorités et d’institutions en tout genre, de divers écrivaillons, sont utilisés pour récupérer toute forme de désaccord àce projet qui est, en pratique, un des aspects du problème de la guerre et du militarisme.

Le MUOS (Mobile User Objective System) est un système moderne de télécommunication par satellite de la marine militaire étasunienne, composé de cinq satellites géostationnaires (SATCOM) àtrès haute fréquence et quatre stations terrestres, dont une àNiscemi, dotées de trois grandes paraboles de 18 mètres de diamètre et de deux antennes de 149 mètres de hauteur. Son utilisation a pour but de coordonner minutieusement les systèmes militaires étasuniens répartis dans le monde entier, en particulier les drones, ces avions sans pilotes aussi alloués àSigonella [1].

Le programme MUOS, géré par le Département de la Défense des Etats-Unis, est encore en phase de développement. Trois des quatre stations terrestres sont complètes, tandis que celle de Niscemi est actuellement en construction, apparemment en phase d’achèvement. Des cinq satellites, seul le premier a été mis en orbite en février 2012. Il est prévu que le dernier satellite soit lancé d’ici 2015. Le système sera alors pleinement fonctionnel.

Le système MUOS intégrera les forces navales, aériennes et terrestres en mouvement dans n’importe quelle partie du monde. Destiné principalement àdes usagers mobiles, le MUOS transmettra les voix des utilisateurs, les données et les communications vidéo opérantes dans la bande de fréquence UHF, une bande de fréquence inférieure àcelle utilisée par les traditionnels réseaux terrestres de téléphonie mobile. Le MUOS permettra aux militaires de communiquer depuis des milieux défavorables, comme par exemple des bois ou forêts.

Au delàde ce projet, 41 antennes sont opérantes depuis 1991 sur la base militaire américaine de Niscermi, et dont le but est la communication avec les sous-marins militaires.

Un vieux problème, ces bases militaires américaines et ces antennes fonctionnant depuis des années. Un nouveau problème, ce projet du MUOS. Des problèmes qui s’entremêlent au sein de l’horizon plus large et désolant du militarisme et de la guerre, montrant comment le développement technologique va vers l’affinage des techniques militaires, rendant les instruments de guerre toujours plus efficaces et moins compréhensibles pour la plupart des gens. En regardant une énorme antenne, on n’imagine pas immédiatement ce qui se cache derrière le fonctionnement de cet amas de ciment, fer et fils métalliques : des communications entre soldats, manÅ“uvrés par de vils stratèges militaires et utilisées pour bombarder et assujettir des millions de personnes, des drones en action, bateaux, hélicoptères et avions militaires pilotés et conduits. En un mot la guerre silencieuse et constante.

La complexité des équilibres stratégiques, l’étendue atteinte par le marché des armes, l’interpénétration des dynamiques politiques et militaires au niveau supranational, la technologie àun haut niveau de développement et d’acceptation, font que la guerre, au-delàdes images sanglantes imposées de manière intermittente et pathétique par les médias, s’insinue sournoisement dans tous les aspects de notre existence, et prend corps sous nos yeux, au dessus de nos têtes, autour de nous.

Tentons de nous demander pourquoi, même si la portée répressive d’un projet comme le MUOS au niveau global est évidente, ce que l’on fait remarquer est son impact sur le paysage, les effets des ondes électromagnétiques sur la santé, les intérêts financiers qui tournent autour du projet. Certes la destruction de l’environnement, les maladies, la pollution sont des choses qui nous intéressent, mais ce sont seulement quelques-uns des aspects de la machine oppressive de la domination.

Ce sont des aspects sur lesquels le capital lui-même peut trouver des solutions : embellir les antennes, les placer dans les jungles de goudron plutôt que dans les réserves naturelles, développer des méthodes scientifiques pour diminuer les nuisances provoquées par les ondes électromagnétiques, promulguer des lois qui rendent transparents les transferts d’argent dans la réalisation des projets, ou même faire que les gens eux-mêmes puissent gagner quelque chose en termes économiques ! Voilàcomment la peur de tomber malade, ou de voir détruite et rendue improductive sa propre terre sont des peurs récupérables. Récupérables comme toutes les peurs. Quel sens y a-t-il donc às’unir au chÅ“ur de ceux qui agitent le spectre de l’holocauste environnemental, rejoignant les rangs déjànombreux des « Â terrorisés  »Â ? Cela nous obligerait àconfier nos propres espérances aux instruments mis àdisposition par l’ennemi.

Pour nous, parler du MUOS signifie parler de la guerre, un problème non pas détaché de l’ensemble de la situation sociale, mais totalement lié aux conditions « Â normales  » d’oppression auxquelles nous avons affaire quotidiennement. La guerre est la condition vitale, normale de l’existence du pouvoir, tout comme le contrôle social. Le problème du MUOS, donc de la guerre et du militarisme, doit être envisagé dans une certaine optique. Nous voulons tenir un discours précis. Nous ne voulons pas nous limiter àmettre en évidence les atrocités de la guerre, les dynamiques et les intérêts du colonialisme économique, politique et militaire. Nous voulons en dire plus. Nous pensons que dans une perspective de lutte contre le militarisme, la guerre et le développement technologique qui les soutient, il est nécessaire de faire une étude attentive et détaillée des différents types de présence militaire sur le territoire et de leur fonction répressive (casernes, prisons, institutions et structures militaires, industries de la guerre ou reliées àce secteur, appareils de propagande pour la guerre, entreprises liées au développement des projets militaires etc.), formuler correctement les analyses et indiquer les moyens et les objectifs. Nous trouvons qu’il est fondamental de se projeter dans une perspective d’attaque contre les hommes et les structures qui rendent la guerre possible.

Ce qui est proposé dans les pages suivantes tient compte des réflexions qui viennent d’être faites.

[Traduit de l’italien par nos soins de Informa-azione.]


La brochure « L’embarras du choix  » se trouve en italien ici.


[1Sigonella : base aérienne américaine et italienne en Sicile