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L’urgence est un paravent àla merde

mardi 23 janvier 2018

[Ce texte a été diffusé lors d’une manif àOuistreham le samedi 20 janvier. Depuis plusieurs années, de plus en plus de migrants et migrantes sont àla rue du côté de Caen. Certains et certaines cherchent ày demander l’asile, la plupart tentent de rejoindre l’Angleterre par le port de Ouistreham. En ce moment, au moins sept squats sont ouverts, et environ 200 soudanais font la navette entre Caen et Ouistreham, où ils sont harcelés par les flics, dorment dehors dans un bois dans lequel chaque petit abri est systématiquement détruit. Nous sommes plusieurs àavoir participé àl’AG contre toutes les expulsions, qui ouvre de nombreux squats d’hébergement depuis 2013, avant de l’avoir quitté suite àdes divergences (dimension de plus en plus gestionnaire). Aujourd’hui, c’est aussi sa logique de composition avec la gauche que nous critiquons, y compris avec des partis ayant participé àdes gouvernements reconduisant massivement aux frontières comme EELV. Une discussion sur ce sujet est organisée àCaen àla Pétroleuse mercredi 31 janvier à18h.]

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« Je veux partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permette de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non  ».
Emmanuel Macron, Orléans, juillet 2017.

« Ce que nous voulons c’est un centre d’accueil. Ça s’appelle CAO, centre de répit, comme on veut… on ne peut pas faire en sorte qu’àpartir du moment où ils ont préenregistré une demande, on ne soit pas en capacité de leur permettre d’aller au bout d’une démarche  ».
Un avocat proche de Roya Citoyenne àNice matin, juin 2017. Traduction : nous voulons des taules où parquer les migrants et migrantes et favoriser le fichage./]

Nous savons qu’il y a des situations d’urgence et de simples conditions de survie àessayer d’améliorer, particulièrement en ce moment, et qu’il est bien difficile de lutter ensemble, avec ou sans papiers, tant nous ne vivons pas la même chose. En outre, une bonne partie des migrants et migrantes aspirent àpartir le plus vite possible d’ici pour rejoindre l’Angleterre. Il est donc difficile de créer des bases de lutte commune.

Il est toutefois impossible pour nous de nous contenter d’en rester là. Un toit, des fringues, et même de potentiels papiers, sont déjàbeaucoup, mais ne résoudront jamais les causes de cette situation. C’est pourquoi nous comptons participer àcette lutte en mettant en cause l’existence même des frontières et des Etats. Il n’y aura jamais de liberté de circulation, si ce n’est pour les riches, tant qu’ils existeront.

En outre, la condition qui est faite aux jugés indésirables par les gens au pouvoir et leurs complices sert d’abord àmaintenir un ordre existant merdique, et annonce les modes de gestion et de répression de tout pas de côté et de toute révolte. Les indésirables, toujours plus nombreux et nombreuses dans le monde d’aujourd’hui, sont les cobayes de la répression et de l’administration de nos vies sacrifiées au nom du fric et d’un progrès qui nous mène au désastre. Si une lutte a ses spécificités, elle ne peut pas être séparée tant la domination est partout et se renforce. Les flics et les juges répriment et enferment, les politicards (de gauche comme de droite) décident àla place des gens, les médias mentent et justifient l’injustifiable, les patrons exploitent et profitent. Europe Ecologie Les Verts, dont une sénatrice a été invitée àvisiter un squat caennais de migrants et migrantes, a par exemple participé àdes gouvernements qui se vantaient de faire mieux que la droite en termes de reconduites àla frontière. Qu’aurions-nous àfaire avec ce genre de personnes dans cette lutte ? C’est bien pour cela que toute lutte doit être autonome des organisations politiques et syndicales.

L’Etat annonce en ce moment un tour de vis supplémentaire sur toutes les franges sociales. Pour les migrants et migrantes, ce sera davantage de reconduites aux frontières et d’enfermements (en doublant le temps de la rétention administrative et en augmentant le nombre de places dans leurs taules), pendant que l’Etat continue de défendre les régimes autoritaires qui lui sont favorables en Afrique et ailleurs. Il entend faire de plus en plus participer les associations àsa politique, en proposant des hébergements et autres centres d’accueil, où les migrants et migrantes seront fichés et triés, pris dans la machine àexpulser. Certaines associations y sont mêlées depuis déjàbien longtemps, tels la Croix-Rouge, Emmaüs, ADOMA et bien d’autres encore. A la dernière manif àOuistreham, un bien étrange slogan est d’ailleurs apparu, appelant àl’aide les pouvoirs publics pour fournir un hébergement d’urgence : pour leur donner une bonne occasion de ficher des gens qui essaient de s’y soustraire ?

Nous sommes plusieurs àavoir participé àl’Assemblée générale de lutte contre toutes les expulsions et àses ouvertures de squat, puis àl’avoir quitté suite àdes divergences, notamment en opposition àun certain esprit gestionnaire et paternaliste qui s’est développé de plus en plus. On ne veut pas lutter àla place des gens, mais avec elles et eux. Nous sommes tous et toutes déterminés àne pas laisser en paix les gens qui décident de laisser crever, de parquer, ficher, faire la chasse àdes personnes parce qu’elles n’ont pas le bon bout de papier et essaient de trouver un endroit où vivre un peu plus dignement.

Au moment où sept camarades et compagnon-nes passent en procès, accusés d’avoir contribué aux sabotages de la machine àexpulser (dégradations de locaux de collabos, àsavoir Air France qui reconduit aux frontières, Bouygues qui construit les taules, la SNCF qui balance aux flics), nous tenons àaffirmer notre détermination ànous opposer àl’ordre existant, par l’auto-organisation et l’action directe.

[/ Des révolté-es. /]

Nous proposons de discuter de tout cela le mercredi 31 janvier, à18h, àla Pétroleuse (163 cours Cafarelli Mondeville, près des dépôts pétroliers sur la presqu’île).

[/[Reçu par mail.] /]