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Not a safe space

samedi 6 août 2016

1.

On observe depuis plusieurs années une utilisation plus courante du langage et des pratiques de l’anti-oppression.
S’il est important d’analyser les structures, les mécanismes et les relations de pouvoir, la tournure morale qui émerge de ce processus nous préoccupe. La prise de conscience critique, socle de toute politique d’émancipation, fait place àl’installation d’espaces sous haute surveillance et àdes interventions dont les méthodes rappellent celles de n’importe quel pouvoir normatif (qu’on se souvienne du boycott d’Expozine, des cours de yoga gratuits annulés, de l’expulsion des dreadlocks du salon du livre anarchiste de Montréal en 2015).

2.

Ainsi, nous voulons demander : est-il possible de combattre les oppressions sans en reproduire leurs mécanismes propres (police, tribunaux) ? Trouve-t-on une réelle puissance quand on pose de tels gestes ? Relèvent-ils de la simple vengeance ? Mais dans ce cas, pourquoi ces gestes se parent-ils des attributs de la vertu, devenant ainsi producteurs d’hégémonie, plutôt que d’assumer ouvertement le conflit ? Visent-ils plutôt àtransformer les rapports dans la durée ? Mais alors, pourquoi traiter les comportements « indésirables  » comme des pathologies individuelles àpunir, plutôt que de se concentrer sur les dynamiques collectives qui les rendent possibles ?

3.

Nous sommes extrêmement conscient.e.s des déterminismes qui nous oppriment ou font de nous des oppresseur.e.s en puissance, mais nous sommes convaincu.e.s que c’est la tâche révolutionnaire de nous en libérer. Nous voulons croire àla possibilité d’un devenir-révolutionnaire qui arrive àse détacher des subjectivations ordinaires, àun devenir camarade qui puisse défaire les identités prédéfinies et les rôles qui leur sont associés. [...].

Prendre conscience que le mode de vie occidental suppose l’impérialisme, que la colonisation se perpétue et que la domination s’aggrave est nécessaire et oblige àprendre parti. Mais la mauvaise conscience n’émancipera jamais qui que ce soit : l’histoire des vaincu.e.s, il s’agit de la porter en soi comme un appel. Cet appel, nous ne pouvons y répondre qu’en trahissant nos déterminismes d’origine, en quittant nos existences privatisées et en élaborant de nouveaux rapports.

De fait, la politique concerne tous les plans de l’existence, privés ou publics.
Or, il nous semble que l’effort de rendre le monde habitable envers et contre les dispositifs de pouvoir qui l’assaillent relève moins :

 de la culpabilité que l’expérimentation de nouveaux modes d’être ensemble ;
 de la « prévention  » du chaos que d’une capacité àagir en situation ;
 de la définition de normes de vie ou de prescriptions morales « adéquates  » que d’une lutte contre les assignations, la police et la Loi.

4.

Nous ouvrons ici un espace de discussion. Ce site se veut un espace de collages sur une problématique qui nous inquiète, mais qui nous importe assez pour qu’on s’en saisisse. Il y aura une modération pour s’assurer qu’on reste dans le sujet et éviter les argumentations ad hominem, mais nous encourageons l’expression de nuances et de divergences. Les formes peuvent être variées, mais les textes devront être courts (400 à600 mots environ), car nous voudrions qu’ils puissent se répondre les uns aux autres. Les contributions pourront être anonymes ou non pour privilégier la construction de la pensée au détriment des guerres d’influence.

En espérant que la question vous interpelle, nous attendons vos messages àl’adresse notasafespace@riseup.net.

Amicalement,
Charybe et Scylla

[Repris de Not a safe space, Montreal, Canada.]