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Portugal : Mort du compagnon António Ferreira de Jesus

lundi 11 novembre 2013

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C’est avec une grande tristesse que nous rapportons que le mercredi 6 novembre, notre compagnon António Ferreira de Jesus est décédé. Rebelle, libertaire et combattant pendant des décennies dans les prisons, António avait récemment atteint ses 73 ans, et n’était sorti de prison que depuis un an et demi. Il était malade depuis un certain temps, mais ce dont il souffrait n’est pas encore clair.

Il est mort dans la maison où il a vécu, et non àl’hôpital, car il ne voulait pas se retrouver dans un endroit qui ressemblait tellement àla prison.

Pour ceux qui étaient proches de lui, il est clair que sa santé était directement affectée par des décennies d’emprisonnement, souffrant des représailles que subit tout prisonnier en lutte, de la confrontation aux difficultés d’adaptation àune vie « libre  » arrivée bien trop tard.

Ses funérailles auront lieu le lundi 11 Novembre 2013 à14h00 dans la ville de Portimão, au Portugal.

Pour nous, António restera toujours un exemple de résistance et de détermination face aux pires conditions imposées par l’État .

qu’il puisse maintenant avoir la vraie liberté.

Saúde e Anarquia !

Compagnons et compagnonnes d’António.

[Traduit de l’anglais par nos soins de Contrainfo.]


Nous republions pour mémoire cet article paru dans le journal anarchiste Guerre au Paradis n°1 :

António Ferreira de Jesus est un prisonnier anarchiste qui purge en ce-moment même une très longue peine et qui n’a jamais cessé de lutter. Aujourd’hui, à67 ans, il a déjàenduré 43 ans de prison.

Élevé dans une famille pauvre sous le régime fasciste de Salazar, il se révolte à17 ans après avoir été jeté une première fois en prison. Pendant des années, il subit l’horreur des prisons du fascisme portugais, mais il apprend également en autodidacte àlire, àécrire, àacquérir une connaissance profonde de lui-même et de la société dans laquelle il vit, il devient alors un anarchiste. A sa sortie, il est emprisonné ànouveau, trois fois, par l’état fasciste, et finalement, par l’état démocratique dans une digne continuité de l’abjection, nous montrant un peu plus àquel point fascisme et démocratie ne sont que deux modes de gestion différents d’une même merde.

Il a été reconnu coupable de vols et d’expropriations sur des riches et de l’attaque du pensionnat de Leiria, dans lequel il fut enfermé plusieurs années de sa vie. Il fut aussi reconnu coupable du meurtre d’un contremaître d’usine alors qu’il se défendait et de l’incendie de cette même usine. Sa dernière condamnation, sans aucune preuve et marquée par des poursuites judiciaires illégales, un procès extraordinaire et des violations de procédures (mais pas de quoi s’offusquer, nous savons bien que la loi n’est qu’une vaste farce), portait sur le kidnapping d’un dealer d’héroïne et sur des braquages, un coup monté de la justice portugaise.

Depuis 2005, il a été transféré plusieurs fois. Une première fois pour avoir participé àune grève des prisonniers contre de nouvelles dispositions pénitentiaires. Il fut transféré avec plusieurs autres prisonniers en lutte dans une prison au nord du Portugal, le plus loin possible de ceux qui luttaient pour sa libération àl’extérieur. Il fut transféré ensuite pour des raisons obscures àla prison de Pinhero da Cruz. Lui sont refusés infatigablement (contrairement aux autres détenus de cette prison particulière) parloirs et permissions de huit jours.

Aujourd’hui, après plus de quarante années en taule, António est toujours considéré comme l’un des prisonniers les plus dangereux du Portugal, et traité en tant que tel. Ce qui n’empêche pas les matons de le torturer sans répit et de le menacer de mort en permanence. Ce qui ne l’a pas empêché non plus de dénoncer les matons qui ont assassiné l’un de ses camarades de cellule, son séjour interminable en prison est un danger permanent pour sa survie, même si António possède ce courage qui transforme la volonté en une guerre permanente.

Le lundi 9 novembre 2009, après 43 jours, António Ferreira a quitté l’isolement au pavillon de sécurité maximale. Il est retourné au régime normal et àune « nouvelle  » cellule, la direction de la prison ayant cédé àses deux principales demandes : le droit d’avoir, comme tous les autres prisonniers, un bureau avec des crayons et une lampe ainsi que des douches en solo et la promesse qu’il sera transféré vers une autre prison très bientôt, conformément àson désir. Lors de ces 43 jours, António s’est infligé 5 jours de grève de la faim et de la soif, 14 jours de grève de la faim et 8 jours de grève du silence. Il est resté combattif malgré l’interdiction d’avoir des objets personnels (livres, stylos, habits etc.) et malgré la carotte du retour en régime cellulaire normal àlaquelle il ne céda pas.

Quoi qu’il en soit, les coups de fil, les lettres, les faxes et surtout les manifestations devant la prison et les actions de solidarité ont rendus impossible la stratégie de l’isolation (pas seulement par le biais de l’isolement stricto sensu) de tout les prisonniers récalcitrants et révoltés.

Quelques compagnons portugais précisaient récemment dans un communiqué : « Nous pensons que la position ferme et courageuse de notre compagnon, ajoutée àtoute la solidarité montrée àl’extérieur, a dissuadé António Ferreira de devenir un autre de ces prisonniers suicidés dans le pavillon de sécurité maximale. Rien n’est fini car António est toujours en prison àdépendre des décisions de matons, mais aussi parce que ce système et ses prisons existent toujours ! Pour l’attaque continue de cette société carcérale !  ».

Crève la taule !

Extrait de la rubrique Dans le monde... une rage en lutte, dans Guerre au Paradis N°1, journal anarchiste, janvier 2010, France.