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Réponse des anarchistes du groupe “B. Filippi†aux larmes de crocodile du gouvernement, des partis et des syndicats

vendredi 12 juin 2015

C’est bien vrai, seigneurs, qu’un des plus grands responsables du désastre économique et moral de cette Italie sentimentale et pleurnicharde a été enlevé, comme Hélène pour qui se déclencha la guerre de Troie. Mais, parmi les différentes hypothèses, il y a celle qu’un tel enlèvement ai été orchestré non par de jeunes révolutionnaires, mais par ceux qui d’en haut tentent de justifier un coup d’Etat anti-prolétaire par plus de désordre social. Le peuple ouvre grand les yeux et l’esprit sur les mystères convenus de la politique italienne, liée par de louches intérêts àla politique étrangère. L’autre hypothèse est celle qui attribue aux révolutionnaires marxistes l’enlèvement de l’ancienne chemise noire Aldo Moro, aujourd’hui àla tête de l’appareil du parti majoritaire qui guide l’Italie [la Démocratie Chrétienne] sur des eaux fétides semblables àcelles du lac Stinfale.

Eh bien, qui donc a conduit l’Italie au bord de la banqueroute économique, àcause de laquelle notre pays vit aujourd’hui de l’emprunt extérieur, rendant gouvernement et peuple esclaves de la volonté politique d’Etats soi-disant alliés ? Qui donc a provoqué le marasme social, la corruption, la pornographie, la drogue, le vol et l’escroquerie d’Etat, tous ces scandales qui conduisent les plus hauts fonctionnaires du gouvernement devant les tribunaux ? Qui a laissé fuir librement les milliards sucés dans le sang et la sueur des masses de travailleurs, et qui sont àprésent bien àl’abri dans les banques étrangères ? Qui donc a ordonné àla police de tirer sur les travailleurs d’Avola, Reggio Emilia, Milan, Rome et Turin ?
Qui, sinon la classe politique qui a accouché de cent, mille Bava Beccaris [1] pour défendre les privilèges et les richesses ? Qui, si ce n’est un ramassis de dirigeants soutenus par le parti communiste contre-révolutionnaire et par les syndicats asservis au système ?

Après avoir généré désordre, injustice sociale et tant d’abus dans toutes les institutions étatiques, le gouvernement, les syndicats et les partis politiques ont encore le culot d’attribuer àquelques jeunes rebelles la responsabilité de leurs méfaits, de leur défaite politique, économique et sociale ?
Comment se fait-il que ces accapareurs n’ont pas versé de larmes, n’ont pas sonné les cloches lorsque ces mêmes dirigeants volaient et abusaient des jeunes filles du peuple, lorsqu’ils assassinaient Pinelli [2] et Serantini [3] ?
Vous, seigneurs autoritaires, vous hurlez seulement quand le harpon est planté dans vos chairs privilégiées par le dieu du capital ? Même face àla mort, vous vous estimez supérieurs et intouchables ?
Eh bien, voici ce que répondent les anarchistes du groupe « B. Filippi  » : mettez la tête dans les cendres et récitez le mea culpa.

Nous, nous souhaitons qu’on vous enlève tous et qu’on vous jette dans le Tibre avec vos coffres-forts.

Extrait de l’Amico del popolo n°3 , février 1978-mars 1979.


[1Fiorenzo Bava Beccaris (1831-1924) : Après avoir participé àla guerre de Crimée puis àcelles de 1859 et 1866, il devient directeur général d’artillerie et de génie auprès du ministère de la Guerre, et obtient le commandement des VIIe et IIIe corps d’armée. Suite àl’arrestation d’ouvriers et syndicalistes de l’usine Pirelli àMilan le 6 mai 1898, les ouvriers manifestent, la police tire et assassine trois d’entre eux, blessant de nombreux autres. Le lendemain, c’est la grève générale dans toute la ville. Le gouvernement Di Rudini y décrète alors l’état de siège et confie les pleins pouvoirs au général Bava Beccaris. Le 8 mai 1898, ses troupes tirent au canon contre les barricades et la foule, massacrant une centaine de personnes, blessant un millier d’autres. Le 6 juin, le Roi Umberto I en personne lui remet la croix de Grand Officier de l’ordre militaire des Savoie pour ses faits d’arme àMilan. Le 16 juin, il se voit en plus offrir un siège au Sénat.
Le 29 juillet 1900, l’anarchiste Gaetano Bresci (1869-1901) assassinera le Roi de trois coups de revolver àMonza, en précisant avoir voulu venger les morts de 1898 et l’offense de la décoration au boucher Bava Beccaris.

[2Giuseppe Pinelli (1928-1969) : Cheminot anarchiste, ancien résistant, défenestré le 15 décembre 1969 du 4e étage du commissariat central de Milan, où il subissait un interrogatoire depuis 3 jours. Il était suspecté de détenir des informations sur les auteurs potentiels de l’attentat du 12 décembre contre la Banque Nationale d’Agriculture, piazza Fontana àMilan, qui venait de causer 18 morts et 90 blessés. Attentat en fait clairement accompli par les fascistes. L’un des flics responsables de son assassinat, le commissaire Luigi Calabresi, sera exécuté le 17 mai 1972.

[3Franco Serantini (1951-1972) : Anarchiste assassiné par la police àPise. En cette fin de campagne électorale, le MSI, parti d’extrême-droite héritier en ligne directe des fascistes mussoliniens, compte tenir un meeting dans cette ville pour le 5 mai 1972. La cité est blindée, le PCI refuse de mobiliser. Seuls Lotta Continua et les anarchistes maintiennent une manifestation. Elle est chargée par des CRS qui se prennent divers objets (molotovs, pierres et billes de verre) et poursuivent leur travail par une chasse àl’homme : 27 personnes sont arrêtées et 9 incarcérées. Parmi elles, Franco Serantini, massacré àterre par dix flics. Il meurt le 7 mai au matin, après 32 heures d’agonie sans soin. Les bourreaux seront acquittés en février 1977 par une cour d’appel. Le 31 mars de cette même année, le groupe libertaire Azione Rivoluzionaria jambisera en représailles le docteur Alberto Mammoli, médecin de la prison de Pise : « Mammoli n’a pas été éliminé parce qu’il serait plus coupable que d’autres, mais parce qu’ il est coresponsable politiquement, humainement et professionnellement, de l’assassinat de l’anarchiste Serantini. Son comportement n’est pas différent de celui des autres médecins des prisons italiennes  ».