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Sabotage antinucléaire en Italie : Encore sous procès dix ans après

Lettre de Mariangela

dimanche 25 octobre 2015

[marron]NdNF : Dans la nuit du 22 au 23 septembre 2005, un pylône électrique est dynamité àMolina di Quosa (province de Pise). Il ne tombe pas, mais est gravement endommagé. Quelque mois plus tard, le parquet de Florence prétend avoir trouvé les auteurs de cette attaque (et d’une bombe contre une agence d’intérim de Pise). Dix compagnon.ne.s du cercle Il Silvestre de Pise, également àl’origine du journal Terra Selvaggia sont arrêtés. L’accusation d’association subversive justifie les arrestations et la détention, des mois durant, de trois compagnon.ne.s (et plusieurs arrestations domiciliaires). Elle tombe lors du procès en première instance, duquel tout le monde sort acquitté. Aujourd’hui, dix ans après, la justice revient àla charge. Voici un texte de l’une des inculpé.e.s.

Notre solidarité aux compagnon.ne.s sous procès, notre estime àtous ceux et celles qui s’en prennent àce monde. [/marron]

Du 5 au 19 octobre se tiendront àFlorence les audiences du procès en appel pour les délits spécifiques [c’est-à-dire, non liés par l’association subversive ; NdT] des enquêtes appelées « gruppi d’affinità  » et « Â anticorpi  », qui remontent à2006. Après beaucoup de temps, après des années de taule, d’arrestations domiciliaires, de différentes contraintes judiciaires, après le fait que le délit d’association subversive soit tombé et que de nouvelles enquêtes ont été ouvertes, le procès recommence.
Un des délits poursuivis est le sabotage d’un pylône àHaute Tension. L’autre, une attaque contre une agence d’intérim.

En 2005, un pylône de l’entreprise Terna [la version italienne d’ERDF ; NdT] de la ligne Haute Tension La Spezia-Acciaiolo a été attaqué et dans les jours qui suivirent une lettre est arrivée àdifférents journaux et àla rédaction de Terra Selvaggia, qui expliquait cet acte comme visant l’énergie nucléaire et ses conséquences mortifères.

À l’occasion de ce procès, j’aimerais faire quelques réflexions. Pendant les dernières dix années, c’est toujours plus rarement qu’il y eut des attaques contre des structures et des circuits de production et de distribution d’énergie électrique, qui sont le squelette et la base sur laquelle s’appuient le maintien du pouvoir, la prolifération du capital, la marchandisation des sociétés développées et l’exploitation de celles colonisées. Au contraire, la production et la distribution de l’énergie ont eu un essor toujours plus grand, grâce aux avancées technologiques, àl’explosion des dites énergies renouvelables, qui enjolivent le visage écolo du capital et font grandir les cotations en bourse d’entreprises comme Terna, àl’augmentation de la participation et de la dépendance des gens àtout ce qui peut être utilisé grâce àl’énergie, sans tenir compte des coà»ts non économiques que cela comporte.

Dans le monde, il y a encore de très nombreuses centrales nucléaires et les projets de recherche militaire et civile n’ont jamais été abandonnés, mais il est évident qu’au long des années, la perception du problème des déchets radioactifs et des dangers liés aux guerres atomiques ou aux désastres causés par des accidents a changé. Tout le monde paraît désormais d’accord sur les dangers du nucléaire et sur la nécessité d’en limiter ou d’en éviter l’utilisation. De nombreux savants posent de soi-disant questions éthiques par rapport àla recherche sans limites, l’Église, depuis des décennies, a pris position contre le nucléaire et certaines aberrations du progrès scientifique, au nom d’un conservatisme pas moins néfaste que le masque philanthropique de la science. La plupart des politiciens semblent être sur de telles positions, comme le montre par exemple le récent accord sur le nucléaire signé avec l’Iran, qui, en plus d’être un choix géopolitique important et d’ouvrir de nouveaux marchés pour garantir une meilleure circulation des marchandises et des ressources énergétiques, veut garantir que seuls les pays traditionnellement plus influents au sein de la communauté internationale puissent disposer d’armes nucléaires. Les dangers liés àl’énergie nucléaire paraissent faire peur àtout le monde. Même àla dite opinion publique : un fort sentiment d’opposition et parfois de condamnation s’est répandu parmi les gens, àcause de la peur des dangers, désormais connus, des possibles conséquences catastrophiques d’une guerre nucléaire. Cependant, au delàdes catastrophismes plus ou moins instrumentalisés sur des aspects spécifiques, nous savons bien que le développement énergétique, qu’il soit alimenté par le nucléaire ou par de vieilles ou nouvelles ressources techniques, reste un des pivots fondamentaux qui maintiennent le fonctionnement de la domination.

Ceux qui ont toujours favorisé la production et l’utilisation d’énergie nucléaire, pour des buts militaires et/ou civils, et les contextes qui ont rendu possible leur travail, ont, avec le temps, pris d’autres routes. Avec les vieux profits et les nouvelles rhétoriques, ils financent de nouveaux projets, plus acceptables ; dans le terrain fertilisé par des décennies de propagande ils sèment de nouvelles duperies.

Il faut faire attention àce qui se passe autour de nous, remarquer les changements en cours et leur effets sur la société dans laquelle nous vivons, les directions, multiples et complexes, vers lesquelles vont les lobbys industriels, les centres de recherche, les choix économiques et financièrs, les mécanismes de pouvoir, de contrôle et de récupération. Chaque aspect de la réalité qui nous est ennemie est étroitement lié aux autres. Les questions relatives au nucléaire, jamais définitivement dépassées, le développement de sciences convergentes, les évolutions de l’informatique, la dévastation de l’environnement, l’économie, les prisons, le travail, les inégalités, ce sont tous des aspects liés entre eux par un seul fil conducteur au processus continuel de restructuration capitaliste. Il n’y a rien àsauver, donc tout doit être détruit, sans soucis ni espérances, ni alternatives, ni terres promises, ni revendications partielles.

Le pouvoir n’est pas une hydre mythologique àlaquelle couper la tête ou une menace incorporelle qui domine, incontestée. Il se réalise dans des éléments concrets. Ceux qui, il y a des années, ont identifié un pylône, ont trouvé un objectif concret et attaquable. Et chaque dommage porté àla sacralité de la science, la valeur de la propriété et la justice des lois, la beauté des médias ou la solution facile de la résignation est un dommage qui est le bienvenu.
 
Mariangela.

 
[Traduit de l’italien par nos soins d’Informa-azione.]