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Un point technique/juridique sur l’Etat d’Urgence

mardi 1er décembre 2015

La loi du 20 novembre 2015 relative a l’état d’urgence a été publiée au JO du 21 novembre : elle est déjàapplicable. L’état d’urgence est prolongé pour trois mois àpartir du 26 novembre, soit jusqu’àfin février. Le gouvernement peut cependant décider de le lever avant cette date.

Les textes sur l’état d’urgence

 loi du 3 avril 1955
 loi du 20 novembre 2015 (modifiant la loi de 1955)
 décrets du 14 et 18 novembre 2015 (la déclaration de l’état d’urgence)
 circulaire du ministre de l’Intérieur aux préfets du 14 novembre
 arrêté préfectoral du 14 novembre interdisant les manifestations àParis et dans les départements limitrophes du 14 au 19 novembre
 arrêté préfectoral interdisant les manifestations du 19 au 22 novembre
 arrêté préfectoral du 20 novembre 2015 interdisant les manifestations du 23 au 30 novembre dans les « départements de la zone de défense de Paris  » (l’Ile-de-France).

Les mesures de l’état d’urgence

1. Le préfet peut décider d’un « couvre-feu  », c’est-à-dire de l’interdiction de circuler àpied ou en voiture dans un endroit donné àcertaines heures.

2. Le préfet peut décider une interdiction permanente de la circulation, par exemple autour de « bâtiments sensibles  »

3. Le préfet peut décider d’une interdiction de séjour dans certaines zones pour des personnes « cherchant àentraver l’action des pouvoirs publics  ».

4. Le préfet peut ordonner la fermeture des salles de spectacles, débit de boisson ou les « lieux de réunions de toute nature  » et interdire les réunions, même dans un endroit privé, si elles sont de nature à« entretenir le désordre  ». Le ministre de l’Intérieur peut faire la même chose au niveau national.

5. Le préfet ou le ministre de l’Intérieur peuvent ordonner la remise des armes dans un département ou au niveau national. Des réquisitions sont possibles.

6. L’assignation àrésidence est décidée par le ministre de l’Intérieur contre « toute personne contre laquelle il existe une raison sérieuse de penser que son comportement constitue une menace pour le sécurité et l’ordre public  ».
Il y a deux types d’assignation àrésidence :
 celle qui se fait dans un « lieu choisi  » par le ministre de l’intérieur sachant que « le ministre de l’intérieur peut faire conduire [la personne] sur les lieux de l’assignation àrésidence par les services de police ou les unités de gendarmerie.  »
 celle qui se fait dans le « lieu d’habitation  » déterminé par le ministre de l’Intérieur « pendant la plage horaire [fixée par le ministre de l’Intérieur], dans la limite de 12 heures par 24 heures  », avec obligation de pointage et remise des documents d’identité.
On ne sait pas en quoi peut consister le « lieu  » fixé par le ministre de l’Intérieur si ce n’est que la loi de 1955 précise qu’il ne peut s’agir d’un « camp  » de détention…
Le ministre de l’Intérieur peut de plus imposer àla personne assignée àrésidence
 des obligations de pointage au commissariat ou àla gendarmerie (jusqu’àtrois par jour)
 la remise du passeport ou carte d’identité aux autorités
 l’interdiction de rentrer en contact avec certaines personnes - pour les personnes déjàcondamnées pour terrorisme, l’assignation àrésidence peut se doubler du port d’un bracelet électronique avec « l’accord de la personne concernée  », qui est alors délivrée de l’obligation de pointage.

7. Les perquisitions « administratives  » sont possibles sans restriction d’heures. La perquisition est possible dans tout lieu (sauf chez les parlementaires, les avocats, les journalistes ou les magistrats) « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser que ce lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics.  ».
La perquisition administrative signifie qu’on est hors du cadre des enquêtes judiciaires (flagrance, préliminaire ou instruction). Un OPJ les assiste et donc en cas de saisie d’objets illégaux (armes, drogue) une procédure judiciaire suivra. Les flics peuvent faire des copies « sur tout support  » des données informatiques lors de la perquisition.

8. La dissolution par décret d’association ou « groupements de fait  » qui « participent àla commission d’actes portant une atteinte grave àl’ordre public ou dont les activités facilitent cette commission ou y incitent  » est possible. A noter que les décisions de dissolution prises lors de l’état d’urgence sont permanentes, c’est àdire qu’elles ne cessent pas après la fin de l’état d’urgence. Les services de renseignement sont autorisés àsurveiller les militants pour s’assurer que les groupements dissous ne sont pas reconstitués.

9. Le ministre de l’Intérieur peut prendre toute mesure pour interrompre la diffusion de site en ligne qui feraient inciterait àla commission d’actes terroristes ou en ferait l’apologie.

Toutes les décisions, tant ministérielles que préfectorales, sont susceptibles de recours devant la justice administrative, en particulier par les procédures en référé.

Répression et peines

Ces peines sont mentionnées àtitre indicatif : il s’agit des peines maximales applicables mais elles ne le sont quasiment jamais aux personnes sans antécédents judiciaires.

Les infractions sur les restrictions de circulation (le couvre-feu), l’interdiction des réunions publiques et la remise des armes sont punies de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (article 13 de la loi de 1955 modifiée)
Les infractions àl’assignation àrésidence dans le lieu choisi par le ministre de l’Intérieur sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (Article 13 de la loi de 1955 modifiée).
Les infractions aux autres dispositions concernant l’assignation àrésidence sont punies d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende (Article 13 de la loi de 1955 modifiée).
Le fait de « participer  » àla reconstitution ou au maintien d’un groupe dissous est puni de trois ans de prison et 75 000 euros d’amende, le fait « d’organiser  » cette reconstitution de sept ans de prison et 100 000 euros d’amende (articles 6 de la loi de 1955 modifiée et articles 431-15 et 431-17 du Code pénal)

Mise àjour en ce qui concerne l’interdiction de manifester

Trois arétés préfectoraux ont interdit toutes les manifestations en région parisienne jusqu’au 30 novembre, bien que la loi de 1955 ne parle pas explicitement de "manfestations". Pour cela, comme l’indique la circulaire Cazeneuve, les préfets se fondent sur leur pouvoir d’interdiction des réunions publiques. Selon la préfecture, le fait de participer àces manifestations non autorisées peut donc être réprimé par les six mois de prison et 7500 euros d’amende prévus par l’article 13 de la loi.

[Repris d’actujuridique.com.]