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Vivre le pouvoir, répandre les barbouzeries : Ceci est un programme

A propos d’une expédition punitive par des amis de l’ordre sur la ZAD

mercredi 4 avril 2018

[brun] NdNF : Que la ZAD de Notre Dame des Landes, haut lieu de l’expérimentation alternative s’il en est, se termine dans la négociation et la coproduction avec l’Etat d’un lieu où on pourra louer des cabanes le weekend et où l’agroalimentaire bio s’épanouira, n’a malheureusement rien d’étonnant.
Que des paysans qui n’avaient jamais rien demandé d’autre que l’abandon du projet d’aéroport, que des politiciens, des organisations respectables, des citoyens respectueux, des écologistes en communication spirituelle directe avec Leur Mère La Terre, des déconstruits trop occupés par eux-mêmes et leurs affects pour se préoccuper de l’état du monde, que tous ceux-làsoient satisfaits de la situation, allant jusqu’àcrier Victoire, et jusqu’àorganiser pratiquement aux côtés de l’Etat l’achèvement de l’expérience zadiste, n’a àvrai dire rien d’étonnant non plus - Une « victoire  » qui laisse un amer goà»t de défaite intégrale, si ce n’est d’humiliation d’Etat. Car il n’y a victoire que pour celles et ceux qui s’accommodent de ce monde avec zèle et dont la perspective concrète reste sa (qui plus est, bonne) gestion.
Que, pour en éduquer cent sans doute, l’un de ceux qui refusent d’applaudir cette normalisation se retrouve kidnappé et ligoté dans le coffre d’une voiture avec du scotch sur les yeux et la bouche, un bras et une jambe fracturés est véritablement ignoble : on ne pensait probablement pas en être arrivé là, ni que la décomposition post-moderne en cours prendrait des formes pires encore que ce que nous imaginions.
Que cette personne, après une série de mutilations diverses ait ensuite été relâchée dans un état déplorable aux abords d’un hôpital psychiatrique est certainement la touche d’immonde qui en dit le plus sur ses auteurs. Donner aux flics, donner aux psys, faire risquer un internement d’office : protéger la loi, protéger la normalité, répandre l’immondice.
Que l’on choisisse, avec toute la lâcheté qui caractérise la bourgeoisie, de s’attaquer àune personnalité apparemment des plus sinistres de la ZAD plutôt qu’àd’autres récalcitrants àl’image moins ternie, vient parachever la tactique de barbouze intégrale, certainement inspirée de la bataille d’Alger. C’est lui qui a été opportunément visé, mais c’est àtous ceux qui refusent de crier victoire aux côtés de l’ACIPA que l’on s’est attaqué ce jour-là, ne nous y trompons pas.
Ce n’est pas la première fois que des violences ou tentatives d’intimidation sont exercées par ce parti, que ce soit àl’intérieur de nasses policières ou dans des mails impériaux et impérieux de menaces [1]. [/brun]

[brun] Pourtant, faire taire ses compagnons de lutte qui récalcitrent et ne comprennent pas que l’heure est au renoncement et àrecueillir les fruits empoisonnés de la « victoire  » fait sans doute partie de toute bonne négociation mafieuse, et le plus spectaculairement possible, histoire d’assurer sa tranquillité par la terreur. On avait été prévenu, àune époque où ce genre de propos, ridicules quand ils sont tenus par le premier de la classe, ne faisaient que prêter àsourire : même pas peur de se comporter comme une mafia. Eh bien voilà, nous y sommes : ceci était bel et bien un programme.
Les barbouzeries font partie de ces pratiques illégales qui ne sont que le revers de la médaille du maintien légal de l’ordre, aussi vrai que, contrairement àce que raconte Agamben depuis qu’il est institué philosophe officiel du parti, le prétendu « Etat d’exception  » n’est que l’autre face de la normalité de l’Etat de droit. L’ordre s’assure toujours par tous les moyens, les moyens légaux et les autres, et il faut croire que, dans ses petites proportions, l’ordre alternatif fonctionne exactement comme la discipline de parti et l’ordre public : on fait d’abord voter la pacification, on la fait ensuite appliquer par des milices légitimes, et on terrorise en cagoule les récalcitrants pour s’assurer d’avoir les coudées franches.
C’est permis par l’esprit des lois, cela s’appelle l’exercice du pouvoir. On a les frappes de drones qu’on mérite…
Alors certes, les salissants procédés crypto-fascistes font tâche sur le tableau lisse d’une ascension politique en cours sur l’échiquier de la gauche de la gauche àcoup d’élections locales, de « communes en commun  » et de reconstitution du lien social marchand par l’épicerie de proximité. Il suffit alors que les épiciers de la politique haussent le niveau de la terreur, histoire que ce que tout le monde sait ne se dise pas et que les extrémités de l’échiquier politique ne se rejoignent pas (en effet, que penserait le soutien Francois Hollande de ce genre de pratiques ? Du bon boulot, mais publiquement indéfendable). On rejoue d’ailleurs le PS àsa meilleure période : capitalisation sur les luttes et leur radicalité, programme commun et alliances tactiques, élections et barbouzeries, et le tour est joué. En tout petit, tout sectaire, et tout minable bien sà»r, loin du prédécesseur mitterrandiste. Mais le scotch, le coffre, les ficelles, les bras et les jambes cassés donnent un singulier goà»t de passage àl’acte àce scénario qui tient pour le reste du fantasme. L’époque semble mà»re pour que les Partis, imaginaires ou non, réactivent quelques SACs. [/brun]

[brun] Alors on peut s’offusquer encore et toujours de ce que le pouvoir montre parfois son vrai visage, et que ce n’est pas beau àvoir, ou encore de cette odeur nauséabonde, c’est simplement que ceux qui lèchent le cul du pouvoir ont mauvaise haleine. On peut aussi quitter le déni, cesser de se laisser mener en bateau, refuser àla racine les partis, leurs nécessités tactiques et leurs propositions de conquête du pouvoir, arrêter de se laisser bercer par des rengaines sur l’autonomie alors que se reproduisent les pires pratiques de maintien de l’ordre et d’obéissance partidaire. Le mouvement autonome, celui qui s’est développé dans les années soixante-dix, et pas sur Facebook, Twitter ou Les Inrocks, n’en était d’ailleurs pas exempt, et c’est bien malheureusement tout ce qu’il en reste dans cette morne époque…

Ne nous laissons pas terroriser, refusons les milices, les polices, les partis et les mafias alternatives, la judiciarisation et ses perspectives mortifères. Aucune forme de maintien de l’ordre, y compris vendue comme une nécessité tactique àprétention émancipatrice, ne peut donner autre chose que la désolation qui accompagne l’exercice du pouvoir. C’est la contre-insurrection qui vient… Balayons cet imaginaire vicié par le pouvoir, la magouille et la terreur : la révolution est ailleurs.
Pour finir, où va le monde et son monde ? C’est aux pauvres de kidnapper des bourgeois, pas le contraire… [/brun]

Nous reproduisons ci-après deux communiqués issus de la ZAD sur cet épisode, qui de l’avis de beaucoup et du notre, ne doit pas être passé sous silence :

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Texte lu lors de l’AG du mouvement du 20 mars 2018

Ce matin 20 mars àl’aube, la Gaité, un des lieux de l’Est de la zad, a été attaqué. Ses occupants ont été gazés, frappés, et l’un d’eux a été emmené, les mains liés, mis de force dans le coffre d’une voiture qui est partie aussitôt.

Nous sommes restés sans nouvelles de lui toute la journée. Un certain nombre d’occupant.es réunies àLa Masacrée ont passées la journée àle rechercher (coups de fil aux avocats, aux commissariats, aux hôpitaux, patrouilles en voiture sur les routes avoisinantes), pour finalement retrouver sa trace aux urgences du CHU, un bras et une jambe cassées.

Nous ne savons pas pour le moment qui a commis cette agression rappelant fortement une milice fasciste. Mais compte tenu des cas précédents de personnes frappées et emmenées de force hors de la zad, ainsi que des menaces et attaques personnelles proférées par des occupant.es àl’encontre de la personne qui a été enlevée, nous ne pouvons pas NE PAS penser que cette agression peut venir de l’intérieur de la zad.

Nous appelons tou.tes les occupant.es et les personnes solidaires à

  • 1) exprimer leur désaccord face àcette agression dégueulasse
  • 2) être plus vigilant.es que jamais, veiller les unes sur les autres, àrester en lien avec les lieux et les personnes isolées.
    Nous nous tenons prêts àréagir par tous les moyens nécessaires.

Enfin, nous réaffirmons notre opposition àtoutes les formes de police, avec ou sans uniforme, officielle ou officieuse.

Ni oubli, ni pardon

Des occupant.es réunies àLa Masacrée le 20 mars àla tombée de la nuit.

[Publié sur zad.nadir.org.])]


[(

Prise de position de la légal team sur les actions de milice àla ZAD

Mardi 20 mars dernier, 5 personnes cagoulées, armées de battes de baseball et de gazeuses ont fait une incursion dans un squat sur la ZAD. Ils ont tabassé les personnes sur place pour embarquer une personne, mains et jambes ligotées, scotch sur les yeux et la bouche. Ils mettent la personne dans un coffre de voiture et repartent aussitôt. Plus loin ils la tabassent encore et lui cassent une jambe et un bras, pour finalement l’abandonner àcoté d’un hôpital psychiatrique.

Son tort, c’est d’avoir voulu mener une action contre un projet de l’état qui ne colle pas avec la stratégie dominante dans le mouvement, c’est àdire celle d’inviter la préfète, les flics et les aménageurs sur la ZAD pour négocier avec eux.

On est bien au delàde la phase d’essayer de dire gentillement àcertains groupes qu’ils vont trop loin, des remises en question, etc. Pour autant on trouve ça aussi craignos qu’il n’y ait quasi pas de prises de position après cette opération dégueulasse d’aspirants flics. Pour comparaison, quand des journalistes invité.es par l’ACIPA se sont pris un peu de compost, une boulangerie s’est mise en grève, les assemblées ont du déménager, l’internet d’un lieux a été coupé, etc...

Une partie du mouvement veut essayer de gagner des points auprès de l’état en faisant le travail des flics. Des offrandes dont ils croient qu’elles vont motiver l’état àdonner des cadeaux àson tour.
[...]
Ce qui est hallucinant, c’est qu’il y en a toujours qui prétendent que sur la ZAD on essaie de s’organiser sans faire recours àla police et la justice. Que ici on fait commune, que ici on est révolutionnaire.

Pour la légal team, cet acte représente ce contre quoi nous avons toujours lutté. On rappelle qu’un mouvement de lutte n’est pas àl’abri des rapports d’inégalités, les oppressions et leurs aspects mêmes les plus violents, et on vous invite àréfléchir et agir pour éviter dans d’autres luttes que certains prennent le dessus pour rétablir le pouvoir des classes dominantes, et du coup, de l’état.

[/La légal team & Copain des Bois./]

[Publié sur Indymedia Nantes.])]

On pourra lire également sur Indymedia Nantes les deux articles suivants :


[1Notons que suite ànotre Réponse ouverte àLundi Matin, un autre mail plus menaçant et ridicule encore de Lundi Matin a été laissé sans réponse, par effet de mépris. En voici seulement un échantillon pour informer de la bonne tenue et des bonnes manières des gérants gâtés de l’organe de propagande Lundi Matin lorsque leurs amis journalistes et procureurs ne voient pas : « Ahah, on vient de voir ta super réponse publique, quelle enquête ! Bravo le petit flic, tu sais faire bon usage de ton temps ! As-tu seulement pris soin de communiquer directement l’étendu de ton travail de surveillance àla DGSI ? Il paraît qu’ils adorent te lire pour comparer tes notes de synthèses aux leurs (ne vois pas làun sophisme, c’est ce qu’ils déclarent d’eux-mêmes àtes confrères journalistes).  » Pour donner suite àune bien mauvaise enquête, on leur apprendra que le « tu  » auquel s’adresse Mathieu Burnel (bras droit du petit père des peuples qu’On mérite) n’existe pas. Contrairement àLundi Matin, nous écrire n’est pas écrire àune individualité instituée en gestionnaire de start-up, mais àun collectif fluctuant d’anonymes divers et délocalisés depuis une décennie. Par ailleurs, se faire traiter de flics par des gens qui s’enorgueillissent d’être en ligne directe avec les journaflics (comme des… flics) ne sera pour déplaire àaucun amateur de Pierre Dac. Le seul journaflic que nous connaissons/utilisons pour notre part est votre confrère Jean-Pierre Sourceprochedelenquête.