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A l’attention des employés et des bénévoles de la Croix-Rouge

dimanche 26 avril 2009

Comme dans n’importe quelle lutte
qui porte son attention sur un aspect
bien précis de la domination, il nous
semble d’une importance fondamentale
d’élaborer, dans la lutte contre
les centres fermés et les prisons, la
notion de la « machine àexpulser et
àenfermer  ». Car la prison ou le centre
fermé ne sont pas seulement ces
quatre murs gris, mais simplement
un aspect visible de tout un mécanisme
social, de toute une machinerie
qui les nourrit, qui les fait tourner
et qui les légitime. Des entreprises
et des institutions qui y font des travaux
ou qui s’y font du fric, en passant
par les employés, les gardiens,
les assistants et les médecins dont la
fonction est de calmer les prisonniers,
aux journalistes et politiciens
qui vendent leur merde au quotidien
pour faire accepter le plus inacceptable
 : aucun rouage de la machinerie sait
tourner sans la propulsion des autres
rouages. En n’oublions pas non plus
les faux critiques, ceux qui avec leur
critique réformiste ou purement humanitaire
ne font que prêter la main
àl’Etat dans sa recherche perpétuelle
de perfectionnement de la machine.
Ce tract explique le rôle de la
Croix Rouge dans la machine àdéporter.
Le tract a été laissé lors d’une
visite rageuse àses bureaux.

« C’est arrivé hier, ça aurait pu être
aujourd’hui ou demain, quelques
personnes sont passées rendre une visite
rageuse aux bureaux de la Croix-
Rouge, des substances diverses (peinture,
huile, farine, liquide corrosif)
ont recouvert le mobilier de l’accueil
ainsi que les voitures des membres
de la direction garées sur le parking.
Un tag et des tracts ont été laissés sur
place.  »

Il n’y a pas si longtemps quelqu’un a dit qu’« il ne fallait pas tant craindre le bruit des
bottes que le silence des pantoufles.  » Car la misère que ce monde produit doit plus àla
résignation àne plus vouloir rien remettre en question qu’àla menace des barreaux et des
matraques. Et que le tsunami de l’information qui nous noie avec des images de toute la
misère du monde ne fait que rendre plus difficile d’en déchiffrer les causes.

Quand on était petit, on nous a appris que la Croix-Rouge et toute sa ribambelle de petites
et grandes sœurs (dont l’une des plus connues est Caritas International) étaient de ces
institutions au grand cœur. Et que si elles ne changeaient fondamentalement rien au fonctionnement
de ce monde dominé par l’exploitation, la guerre, la misère et l’oppression,
elles essayaient au moins d’en soigner les blessures et d’en atténuer les souffrances, comme
ils disent dans leur langage profondément catholique. Pourtant le secours neutre n’existe
pas. Et dans le cas de la Croix-Rouge ce n’est pas bien compliqué àvoir…

Tandis que la faim, les désastres, la guerre et l’oppression font fuir chaque année des millions
de gens dans l’espoir de pouvoir reconstruire ailleurs une vie un peu meilleure, ce qui
les attend ici en Europe c’est le racisme, les rafles, une exploitation sans limites et au bout
de compte les centres fermés et les déportations. Quand les réfugiés débarquent ici et font
une demande d’asile, ils sont souvent parqués dans des centres dits ouverts (des dizaines de
ces centres sont gérés intégralement par la Croix-Rouge). Juste comme les centres fermés,
ils sont entourés de barbelés, des gardiens y tournent les clés des portes tous les soirs. On
y apprend aussi aux demandeurs d’asile àobéir aux lois du capitalisme et de sa démocratie
(des vêtements collectés par la Croix-Rouge y sont par exemple vendus, les ‘habitants’ y
sont forcés d’une main douce àeffectuer des travaux pratiquement non-rémunérés dans le
centre ou pour la commune où il se trouve – question de les habituer au sort d’exploités
qui les attend ici aussi). Ces centres servent également àfixer les demandeurs d’asile et à
les rendre dépendants pour qu’ils ne s’aventurent pas dans une vie de débrouille hors de
l’enceinte. Ainsi l’Etat organise sous prétexte d’un souci humanitaire un contrôle permanent
sur tous ces indésirables. Quand la demande d’asile est refusée, ce sont l’Office des
Etrangers et la police qui viennent arrêter les réfugiés refusés dans ces centres neutres et
ouverts pour les déporter vers la misère et la mort. La Croix-Rouge n’offre donc jamais un
secours neutre puisque ses activités font partie intégrante de la politique de contrôle de la
gestion de l’immigration.

La Croix-Rouge entretient
des liens étroits
avec l’Organisation
Internationale pour
les Migrations, cet organisme
qui cherche à
soumettre les flux migratoires
aux besoins
du capitalisme et du
contrôle social. Ce
même organisme se
sert d’une multitude d’organisations humanitaires et d’ONG pour réaliser son chantage
avec ses primes de retour. Des réfugiés àqui ce système a enlevé toute perspective, se voient
offrir une pauvre indemnité pour retourner volontairement àleur pays d’origine. Alors
c’est simple : d’abord on leur enlève tout avenir, on les enferme dans des centres d’accueil,
on leur fait comprendre qu’ici aussi c’est la pauvreté qui les attend et finalement on les fait
chanter avec quelques centaines d’euros pour qu’ils oublient les raisons pour lesquelles ils
avaient fui…

Dans d’autres pays européens, comme en Italie ou en Espagne, la Croix-Rouge Internationale
gère directement les centres fermés d’où l’Etat déporte les réfugiés en fin
de procédure. Des centres fermés avec leurs gardiens, leurs cellules d’isolement, leurs
passages àtabac, leurs abus et tout simplement la privation de liberté. Alors la Croix-
Rouge montre encore plus clairement ce qu’elle est vraiment : l’aile humanitaire de
la domination. De la même manière en Belgique, ce sont les infirmiers de la Croix-
Rouge qui, quand les indésirables se mutinent dans ces centres, soignent les blessures
sans faire entendre la moindre critique et les bourrent de tranquillisants. Et çà, ça
s’appelle choisir son camp.

Mais il n’y a pas que les réfugiés qui débarquent sur les plages espagnoles ou qui,
épuisés, mettent pied àterre dans les ports et aéroports européens. Il y a aussi ces
millions de réfugiés au Moyen-Orient et en Afrique qui ont été chassés de leurs maisons
pour ensuite être accueillis dans d’énormes camps de concentration (dans le sens
strict du terme : enfermer administrativement dans un endroit circonscrit et contrôlable
des catégories de gens pour des raisons raciales et de contrôle ou pour des fins
d’exploitation). Ces camps sont souvent gérés par la Croix-Rouge et pas seulement
avec ses médecins mais aussi avec ses agents de sécurité. Ainsi la Croix-Rouge ne fait
que renforcer l’ordre actuel d’oppresseurs et d’opprimés – qui tandis qu’elle soigne
ces derniers, tente de calmer la révolte qui, elle seule, pourrait réellement changer
quelque chose.

Quand les armées de la démocratie ont envahi l’ex-Yougoslavie, l’Afghanistan et l’Iraq,
ils amenaient derrière eux l’armée humanitaire de la Croix-Rouge. Sous prétexte de
protection contre une politique d’épuration ethnique la Croix-Rouge s’est chargée de
la gestion d’une série de camps de concentration et de prisonniers en ex-Yougoslavie.
En réalité elle cherche àintégrer la politique européenne de contrôle des flux migratoires
dans les manœuvres militaires des forces de l’ONU. Chacun sait (et pas mal
d’employés dissidents de la Croix-Rouge l’ont quitté parce qu’ils ne supportaient plus
cette neutralité odieuse) qu’il est impossible de rester neutre en temps de guerre. Rester
neutre signifie choisir le camp du plus fort – même quand on soigne le plus faible.
La conduite des guerres actuelles serait « humanitaire  », mais quel être sensé pourrait
jamais croire qu’il y a quelque chose d’humanitaire dans les bombardements, les corps
déchirés, les blessés, les viols ? En prétendant rester neutre, la Croix-Rouge ne fait que
renforcer le pouvoir en place. En Iraq, en Afghanistan, comme ailleurs.

L’histoire en apparence sans fin de l’exploitation et de l’oppression a toujours eu besoin
d’un corps de collaborateurs qui se cachent volontiers derrière un « je ne savais
pas  ». La gestion démocratique du capitalisme et de l’oppression a tout intérêt àétendre
le plus possible ce que quelqu’un a appelé àl’époque des camps d’extermination
nazis « la zone grise de la collaboration  ». Refuser de collaborer avec un système qui
organise la déportation systématique pour préserver les profits économiques et le pouvoir
de quelques uns, c’est ouvrir la possibilité d’une critique réelle du monde dans
lequel on est forcé de vivre.

Grattons le vernis humanitaire de ce système mortifère de déportation, d’incarcération et d’exploitation !

Quelques ennemis de toutes les frontières.


Publié dans La Cavale, correspondance de lutte contre la prison, numéro 15, Belgique. Téléchargeable dans la Fanzinothéque.