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António Ferreira de Jesus 1940-2013 : Mémoire d’un indomptable

mercredi 24 juin 2015

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António Ferreira de Jesús, originaire de Oliveira do Bairro, est né le 30 octobre 1940 et mort le 6 novembre 2013. Sur ses 73 ans, il en a passé 52 emprisonné au Portugal, cas inédit en Europe. Il est resté àpeine 21 ans hors des murs. Il a donc subi 52 de ans de séquestration étatique !

António est né dans la misère économique, dans laquelle il a vu mourir deux frères très jeunes, l’un de faim et l’autre par manque d’attention et de soins médicaux. Révolté par les inégalités sociales et le terrible terrorisme que constitue la violence économique, il s’est opposé au vol de la vie –le système salarial imposé par la domination– et a commencé àexproprier la classe dominante, tentant de se réapproprier sa vie, préférant le risque entraîné par l’expropriation àl’humiliation de mendier ou de se soumettre àun vil salaire. Il défendit sa mère des mauvais traitements de son père en s’opposant énergiquement àlui plus d’une fois quand il l’agressait, ce qui, àpartir de ce moment, n’est plus jamais arrivé. À 17 ans, il fut envoyé en prison. Après avoir purgé sa peine, il fut obligé de subir une célèbre mesure correctionnelle fasciste dans la prison-école de Leiria [1]. Avec d’autres « Â fils des hommes qui n’ont jamais été enfants  », il a été choqué par l’oppression qui y régnait. Au contact des prisonniers politiques de la prison de Lisboa, il acquit une conscience politique. Il purgea treize ans de prison et endura quatre ans d’isolement et autres punitions.

António sortit de prison tellement révolté qu’il alla attaquer la prison-école de Leiria dans le but d’en libérer les prisonniers et d’y mettre le feu. Et puisque certains travailleurs n’étaient pas payés, son sentiment de classe l’amena àincendier l’usine où ceux-ci travaillaient, éliminant préalablement le gardien de l’usine par autodéfense, après une lutte en corps àcorps pour ne pas être éliminé lui-même. Il réalisa quelques expropriations. Il avait la PIDE (police politique du régime fasciste) aux trousses. Un frère qui avait participé àl’attaque ratée de la prison-école le dénonça. Il fut condamné àla peine maximale du Code Pénal de l’époque : 24 ans de prison, avec la « Â délinquance  », et en étant considéré « Â de correction difficile  » [2]. Avec la Révolution du 25 avril 1974, la peine est passée à12 ans de prison, avec pour condition de pouvoir sortir au bout de la moitié, c’est-à-dire après 6 ans de prison. Mais, étant un prisonnier en lutte, il fut obligé d’accomplir sa peine presque totalement ; il ne lui restait que quelques mois pour terminer ces 12 ans quand on lui accorda une liberté conditionnelle durant laquelle, après quelques mois, il fut de nouveau condamné à18 mois de prison pour détention d’arme illégale, et cela révoqua la conditionnelle. En 1991, il fut placé en liberté conditionnelle alors qu’il ne lui restait que quelques mois pour terminer sa peine. Plus tard, en 1994, il fut condamné à10 ans pour expropriations et également condamné la même année avec d’autres compagnons àune peine de 18 ans pour séquestration et vol d’un célèbre trafiquant d’héroïne.

Làoù il passa, il laissa une trace : dans la prison-école de Leiria pendant le régime fasciste, il participa àdiverses protestations contre la bouffe misérable (l’organisme chargé de nourrir les prisonniers) et l’autoritarisme. Dans la prison de Coimbra, après le 25 avril 1974, il se révolta avec d’autres prisonniers pendant des semaines et monta au sommet du dôme de la prison pour communiquer avec les gens dans la rue avec un mégaphone en expliquant les raisons de la mutinerie. À la prison de Paços de Ferreira, il fut tout de suite élu président de l’association des détenus. Il y eut une mutinerie où mourut un compagnon qui se trouvait àses côtés lors d’une rafale de mitraillette. Ferreira y échappa de quelques millimètres. Le gardien qui avait tiré a raconté que la rafale était pour Ferreira et non pour l’autre. Il fut transféré àla Colonie Pénale de Pinheiro da Cruz où on le mit en isolement total dans une cellule de l’aile 1 inoccupée àl’époque et où il resta seul plus d’un an. « Â Il ne leur restait plus qu’àme donner une corde pour me pendre  » disait-il. En 1976, il y eut une mutinerie dans cette aile, désormais occupée par d’autres détenus. Les prisonniers montèrent sur le toit de l’aile et beaucoup d’entre eux furent brutalement délogés. Dans cette dynamique qui amena les prisonniers àprendre conscience d’eux-mêmes et de leurs droits, introduite et alimentée dans plusieurs prisons par des gens de gauche et en opposition totale avec les directions des prisons, António Ferreira était considéré par les autorités comme un radical àcause de ses opinions et prises de position. La droite se plaignait et protestait dans les médias, disant que c’était les gardiens qui étaient punis au lieu des prisonniers, et que les prisons vivaient dans l’« Â anarchie  ». En 1978, il est l’un des principaux organisateurs d’une évasion réalisée par un tunnel creusé sur des dizaines de mètres de long par lequel 123 prisonniers (dont Ferreira) s’échappèrent de la prison de Vale de Judeus où il venait d’être transféré de Pinheiro da Cruz. Il est capturé après quelques semaines. Plusieurs mutineries, plans d’évasion, grèves de la faim, protestations et revendications se succèdent, ainsi que d’innombrables (car très nombreuses) plaintes faites dans les médias et àd’autres organismes où son nom se retrouve souvent associé àdes punitions ou àl’isolement de toute la population carcérale. Il subit de nombreux transferts de nuit, tantôt dans d’autres ailes ou dans des cellules disciplinaires, tantôt dans d’autres sections d’isolement avec le régime 111° [3], ou dans d’autres prisons comme châtiment informel et pour décourager des luttes. Le traitement discriminatoire et la mauvaise foi sur la paperasserie liée au cumul des peines pleine d’irrégularités procédurales le torturèrent profondément, lui infligeant une situation équivalente àune condamnation àperpétuité déguisée, le laissant plein d’incertitudes et sans aucune espérance.

Malgré tout, il est toujours resté ferme devant le puits sans fond où on le jetait. À déjàpresque 70 ans, dans la prison de Pinheiro da Cruz, il refusa de changer d’aile et dit aux gardiens, avec franchise et courage : « Â Je ne sors pas d’ici ! Moi, par mes propres pieds, je ne sors pas ! Je ne sortirai que par la force ou après qu’on soit passé sur mon cadavre !  » Les mercenaires restèrent stupéfaits, mais en échange de leur vil salaire, ils accomplirent l’ordre et le levèrent de force, mais pas sur ses propres pieds. Ils l’emmenèrent sur un brancard, pas dans une autre aile mais vers le violent châtiment de l’isolement total (équivalent du régime 111°, révoqué en 2009), au Big Brother [4], la prison dans la prison, rigoureusement séparée de toute la population détenue, comme représailles pour son insoumission.

Il se mit immédiatement en grève de la faim, de la soif et du silence. Une grève du silence impliquant qu’aucun mot ne soit dit àl’ennemi : les gardiens ou tout autre fonctionnaire lié àl’État. Les gardiens essayèrent de parler avec lui, mais rien ; la psychologue y alla, et rien ; l’infirmier, rien ; le médecin, rien ; le psychiatre, rien. « Â Assez ! Il est impossible de dialoguer avec les oppresseurs !  » se disait-il àlui-même. « Â Cet homme est fou !  » disaient-ils. « Â Ils ne savaient pas quoi faire... ils étaient làcomme des cons sans savoir quelle décision prendre  », observa-t-il. C’est àpeine s’il accepta de parler avec son dernier avocat, José Preto. Cette lutte le vieillit beaucoup et affaiblit beaucoup sa santé. Après lui avoir rongé les os et la chair, quand il avait presque un pied dans la tombe, àmoitié aveugle, avec du diabète et après avoir souffert de plusieurs accidents vasculaires cérébraux, il fut rendu àla « Â liberté  » le 15 mars 2012, peut-être pour éviter d’augmenter les statistiques scandaleuses de la mortalité en prison...

Combien de compagnons vit-il mourir ? (Toute mort en prison est un crime de l’État !) Combien vit-il de tabassages barbares sur des compagnons ? Combien vit-il de dégradation ? Combien de terrorisme a-t-il souffert et vu souffrir ? Combien de tortures a-t-il subi ? (La prison en elle-même est déjàune torture !...) Combien de fois fut-il poussé au suicide ? Combien de menaces de mort a-t-il reçu ?

Il refusait catégoriquement d’envoyer du courrier légalement, car la censure et la surveillance de celui-ci lui répugnaient profondément. Il se rendait presque malade de toute la haine et l’indignation que lui faisaient ressentir les fouilles de ses papiers, qu’il gardait dissimulés parmi la paperasse liée àses procès pour dérouter des gardiens. Souvent, les gardiens réussissaient àles voler au cours des perquisitions. Ses dossiers se composaient, entre autres, principalement de notes sur les prisonniers frappés par les gardiens, sur les prisonniers morts souvent de manière suspecte, d’autres par manque d’assistance médicale, en plus de divers exposés pour des organismes et de carnets de revendications. Il était toujours attentif àce qui se passait. Tout ce dont il avait connaissance, il le notait en détails, avec les dates et les noms respectifs des responsables, et il le gardait avec les différents objets qu’il avait dans sa cellule.

António Ferreira, individu résistant et animé par des principes, une éthique et une grande fermeté d’esprit, fut le sujet des représailles, le persécuté, le puni àl’intérieur de la punition par diverses formes d’isolement [5], parce qu’il ne se taisait pas face àla cruelle monstruosité que représente l’institution pénitentiaire –ce centre d’extermination !–, parce qu’il défendait sa dignité et qu’il était solidaire avec ses compagnons. Il préférait mourir plutôt que de laisser bafouer sa dignité, qu’il considérait comme son bien le plus précieux.

Quelques mots de António Ferreira écrits durant sa détention et envoyés àplusieurs organismes nationaux et internationaux depuis la prison de Vale de Judeus en 2005 :

« Â En prison, je défends des idées et des convictions, et pour cela je suis persécuté. Je défends ma dignité, et pour cela je suis persécuté. J’écris pour la presse depuis 1974, et pour cela je suis persécuté. Je suis membre et correspondant d’organisations de Défense des Droits de l’Homme et des Détenus, et pour cela je suis persécuté. Je défends des idées libertaires, et pour cela je suis persécuté. J’attire l’attention sur le manquement àleurs propres règles, sur la violation systématique de la Réforme Pénitentiaire (décret 265/79), et pour cela je suis persécuté. Je combats la corruption, les abus de pouvoir, le violence gratuite, l’incompétence, l’assujettissement des prisonniers au travail pour des salaires d’esclaves, et pour cela je suis brutalement persécuté. Et finalement (mais pas tant finalement que ça...) je suis témoin de l’accusation (nous entrons ici dans la partie la plus délicate pour eux, et dangereuse pour moi !) dans plusieurs procès au tribunal contre des fonctionnaires de cette prison (Vale de Judeus), que l’on considère comme les présumés coupables de crimes de corruption, d’abus de pouvoir et de la mort de détenus. Et pour cela je suis haï, persécuté, réprimé et menacé de mort !  »

Malgré tous les obstacles inhérents àla prison, il apprit àlire par ses propres moyens, ainsi que les professions de technicien de radio, de serrurier et de tourneur mécanique professionnel. C’était un autodidacte. Il lut des livres d’histoire, de sociologie, de politique, sur le marxisme, sur l’anarchisme, la philosophie, l’écologie, la psychologie, la psychiatrie, l’antipsychiatrie, la physique, la chimie, l’astronomie et la science. Plus il lisait, plus il gagnait en conscience de soi, et plus il était révolté ensuite. Et pour lui les mots avaient un sens. Il n’était pas un rhéteur ni un jongleur avec les mots. Il pensait avec sa propre tête, c’est pour cela il était considéré comme dangereux pour le système. Il n’était en rien indifférent àce qui se passait autour de lui, tant au niveau local que mondial. Au contraire : c’était un individu socialement informé et préoccupé. Et il commentait avec frayeur, inquiet et tout exalté, « Â pourquoi est-ce que dehors les gens ne se rebellent pas pour renverser les structures de la domination qui les détruisent !?... Comment se fait-il que les gens continuent encore àavaler le discours des politiciens et àsoutenir la domination qui les soumet à“vivre†dans l’ignominie ?!  ».

Il vibrait d’indignation sauvage sur ce qui se passait autour de lui comme sur ce qui se passait dehors. Oui, sauvage, car il ne se laissa jamais domestiquer. Il était insoumis et manifestait ses sentiments d’une forme jamais ambiguë . Il était franc et méprisait les « Â bonnes manières  » sociales où il voyait beaucoup d’hypocrisie et de spectacle. Il ressentait les injustices de ce monde de manière exaltée, brà»lante et avec un profond désir de les combattre de toutes ses forces et capacités. Ah ! comme il commentait, criait, s’énervait, souffrait et vivait les événements qui lui arrivaient par les journaux, la radio (quand il n’y avait pas encore de télévision dans les cellules) et plus tard par la télévision. Et comme il connaissait bien les mensonges du discours de l’État !... Comme le discours de charlatan et de menteur des politiciens le répugnait !... C’était un inadapté àl’intérieur comme àl’extérieur des murs.

António Ferreira, une référence pour les compagnon-ne-s qui ne se laissaient pas rabaisser ni vendre, était vu et entendu avec sympathie et fascination par ceux qui l’entouraient, comme un compagnon dans le vrai sens du terme. Il faisait des discussions et expliquait leurs droits àses compagnons qui ne les connaissaient pas. Il leur inspirait la confiance totale et l’amitié. Il était solidaire et généreux, un homme de parole, toujours aux côtés de ses compagnons, promouvant l’amitié, la lecture de bons livres, luttant pour la défense de la dignité et de la liberté, insufflant le courage, la force intérieure et la résistance pour faire avancer la lutte contre les morsures du pouvoir. C’était un individu fier, indomptable, ennemi de l’autorité, combatif, il était toujours en état d’indignation constante, toujours bouillonnant et brà»lant d’une profonde révolte, constamment en conflit avec les gardiens et autres serfs du pouvoir, contre l’institution de la prison, courageusement, avec bravoure et d’une détermination exaltée et sans crainte, ce qui faisait parfois fuir les compagnons les plus proches àcause des conséquences qui pouvaient arriver de lui. Il transpirait la révolte par toutes ses pores. Et souvent il était vu et perçu comme une bombe sur le point d’exploser de toute la révolte qui l’imprégnait.

Ses détraqueurs, certains d’authentiques stalinistes qui font et défont l’histoire, des gens qui paraissent plus policiers que la police elle-même par les interprétations policières sortant de leur bouche, en inventant des histoires (comme le mensonge sur la mort d’un pasteur et de son chien pour laquelle António a été condamné), tentèrent de le dépeindre comme un immoral, de créer un jugement public et de fabriquer une opinion, mais malgré cela ils n’ont pu étouffer ce qu’António Ferreira était et représentait et toute l’extraordinaire considération de tous les prisonniers en lutte et les autres compagnon-ne-s qui le connaissaient et partageaient des moments avec lui, àl’intérieur comme àl’extérieur de la prison.

Personne ne prétend l’élever sur un piédestal, il serait le premier àle refuser car il n’acceptait de piédestal pour personne. Cependant, il est important de mettre les points sur les i. Il avait la capacité de reconnaître ses erreurs sur les chemins hors de la loi, mais ne le faisait jamais devant l’État, auquel il ne reconnaissait aucune légitimité. Le CV de ses détraqueurs et pseudo-critiques (dont certains étaient journaflics) comparé avec leurs états de service, ne révèle que démagogie, servitude au Pouvoir et de nombreuses couleuvres avalées du fait de leur complicité avec le pouvoir. Mais, que savent-ils, ces hypocrites et faux moralistes, de ce que c’est que vivre constamment sur le fil du rasoir dans une rébellion permanente contre le Pouvoir et ses pièges ? Que savent-ils de la dignité ? Certains ne savent rien de la lutte clandestine et de ce qu’elle implique et signifie. Et pas un de leurs cheveux n’arrivera àla cheville d’António en termes de confrontation constante dans ce monde, même soumis aux pires conditions de la détention, qui est l’expression maximale de l’oppression.

Il laissait les gardiens et autres fonctionnaires stupéfaits et effrayés par ses invectives, ses menaces de plaintes et ses revendications proférées àhaute voix et aux quatre vents, faisant résonner l’écho de ses paroles sur les murs de la suffocante architecture pénitentiaire.

Pendant les années 1980, dans la prison de Pinheiro da Cruz, sur ordre arbitraire des gardiens, tous les prisonniers qui se trouvaient en promenade au terrain de foot sortirent, sauf Ferreira qui affronta comme un lion, au corps àcorps, un sous-chef et d’autres gardiens ayant des accusations de corruption et de violence sur des prisonniers, les laissant le visage rouge, enflammés de colère et la queue entre les jambes. Il avait beaucoup d’informations sur la corruption et la pourriture qui existaient en prison et jouait avec ces informations de manière franche et audacieuse.

Aucun gardien ne l’a touché. Il disait àhaute voix : « Â Je ne permets pas, en aucune circonstance, qu’un gardien me touche ne serait-ce qu’avec un ongle. J’en mourrais tout de suite, mais avant je l’enverrais immédiatement àla casse !  »

Ferreira était de ceux qui ne parlaient pas avec eux (policiers et autres fonctionnaires des prisons), et il considérait comme suspect quiconque leur parlait beaucoup. Il surveillait chaque pas que faisaient les gardiens et beaucoup de prisonniers se comportant en policiers. Tous les prisonniers qui osaient l’accompagner durant la promenade étaient inscrits àl’encre rouge dans leurs procédures internes, ce qui les stigmatisait et leur portait préjudice de manière informelle et avec mépris dans leurs procédures pour sortir en liberté conditionnelle ou par rapport àleurs droits.

Pour préserver le plus profond de son être, sa dignité, sa personnalité, après ces 52 ans de prison, il se créa toute une cuirasse composée d’amertume, d’aigreur et de rudesse mélangée en même temps àune grandiose et effrayante révolte, qui éloignait parfois même les compagnon-ne-s les plus proches de lui. Seuls ceux qui le connaissaient encore mieux voyaient sa grande sensibilité et sa générosité, celles de quelqu’un que ses rêves font avancer et résister.

António a manifesté plusieurs fois en public sa profonde reconnaissance pour l’extraordinaire solidarité qu’il reçut de compagnon-ne-s tant au niveau national qu’international, et que c’est grâce àce soutien qu’il avait réussi àrésister et àéchapper àla mort en prison. Une solidarité qui ne lui manqua pas quand il sortit de prison et qui lui donna un toit jusqu’àson dernier jour de vie. Merci àces compagnon-ne-s !

C’est avec une profonde sympathie, camaraderie et amitié que nous partageons sa mémoire et avec une profonde douleur que nous apprenons son décès.

L’esprit d’António Ferreira n’est pas mort !
Adieu, compagnon !
Tes compagnon-ne-s.

José Alberto

António Ferreira a été enterré dans le cimetière de Portimão. On peut lire sur sa tombe : « Â Fier, indomptable, ennemi de l’autorité, ton rêve de liberté ne sera jamais détruit ! Amour et Anarchie ! Tes compagnon-ne-s  ».


[Original en portugais extrait de : “Mapa. Jornal de Informação Crítica†nº4, décembre 2013 - janvier 2014. Traduit de l’espagnol dans la revue anarchiste aperiodique, Des Ruines n°1, décembre 2014.]


[1Peine de prison appliquée durant le régime fasciste pour « Â mauvais comportement  » et ajoutée àla peine initiale.

[2Dans le code pénal fasciste, quand un tribunal condamnait un individu àune peine, par exemple 5 ans de prison avec en plus la « Â délinquance  », cela signifiait que l’individu pouvait purger, en plus des 5 ans, une autre période de 3 ans supplémentaires ; et si l’individu avait encore une sanction disciplinaire, on lui appliquait une autre peine de 3 ans ; s’il obtenait de nouveau une autre punition, on lui augmentait d’encore 3 ans, c’est-à-dire que l’individu pouvait purger au total : 5+3+3+3 = 14 ans de prison. Dans le cas d’António, s’il ne s’était pas passé ce qui s’est passé le 25 avril 1974, il aurait pu purger 24+3+3+3 = 33 ans de prison. La « Â délinquance  » était une mesure de punition qui pouvait aller jusqu’àtrois périodes de peine de trois ans chacune qui pouvaient s’ajouter àla peine initiale, selon les critères des directeurs des prisons. Et être considéré « Â de correction difficile  » par le tribunal impliquait des mesures de surveillance très spéciales contre l’individu.

[3En 2009, le pouvoir législatif remplaça le régime 111° par un autre équivalent. L’article 111 du décret loi 265/79 du 1er aoà»t dit :
Mesures spéciales de sécurité :
1- On peut appliquer au détenu des mesures spéciales de sécurité quand, àcause de son comportement ou de son état psychique, il existe un sérieux risque d’évasion ou de pratique d’actes de violence contre lui-même ou contre des personnes ou des choses.
2- Sont autorisées les mesures de sécurité suivantes : a) Interdiction de l’usage et de la possession de certains objets. b) Observation du détenu pendant la nuit. c) Séparation entre le détenu et le reste de la population carcérale. d) Privation ou restriction de la promenade àciel ouvert. e) Utilisation de menottes. f) Enfermement du détenu dans une cellule spéciale de sécurité.
3- L’application des mesures prévues ci-dessus est autorisée quand il n’est pas possible d’éviter ou d’éloigner d’une autre manière le risque d’agression ou d’évasion ou quand il existe une perturbation considérable de l’ordre et de la sécurité de l’établissement.
4- Les mesures spéciales de sécurité seront maintenues le temps que dure le danger qui a déterminé leur application.
5- Les mesures exposées au point n°2 ne peuvent être utilisées en tant que mesure disciplinaire.

[4“Big Brother†est le nom que les prisonniers donnèrent àla prison construite (de manière sophistiquée et pleine de caméras de vidéo-surveillance) àl’intérieur de la prison de Pinheiro da Cruz dans les années 1990, totalement séparée et isolée, àtel point que les gardiens et autres fonctionnaires des prisons, excepté les avocats, ne peuvent entrer en contact avec les prisonniers isolés que séparément entre eux, dans d’authentiques cages de béton et d’acier.

[5La prison en soi est une punition/torture. L’individu condamné àune peine de prison souffre déjàde la punition et àl’intérieur de cette punition qu’est la prison il souffre d’autres punitions, comme par exemple les cellules « Â d’habitation  », les cellules disciplinaires, le régime d’isolement total, avec la séparation de toute la population détenue, etc. en plus de toute la domination inhérente àceux qui exercent l’autorité.