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Aux moralistes jugeurs de l’anarchie

Par Conrad Frölich (23 avril 1892)

mercredi 25 janvier 2012

Un homme, presqu’un inconnu, vient àlui seul, de secouer terriblement et àla fois, le monde des jouisseurs et des crève-faim. Son seul fait a pu en quelques jours terrifier les uns et remplir de joie le cÅ“ur des autres ! Le seul nom de cet homme symbolise dès aujourd’hui, la vengeance brutale et prompte des miséreux.

De fait, ce nom, par les seuls faits qui s’y rattachent, a plus fait cent mille fois pour la généralisation de l’idée anarchiste que tous ces pitres, avocats, docteurs, philosophes et autres fourbes de petite envergure, qui prétendent (et pour le bon plaisir de la bourgeoisie) paralyser nos muscles et voiler nos cervelles, en nous assommant de leur nécessité d’éduquer les masses pour les préparer àla Révolution ! En effet : Que l’on cite une petite ville d’Europe ou d’Amérique dans laquelle on n’ait pas récemment entendu parler d’Anarchie, d’Anarchistes, et de Révolution ?

Donc, d’un seul coup, des millions de jouisseurs se sont pris àtrembler au point de crier du fond de leur entrailles de fauves : J’ai peur ! À moi soldats ! Protégez-moi et sauvez mon or ! Je vous l’ordonne !!

D’un seul coup également, des millions de miséreux ignorants viennent enfin de se demander ce que pouvait bien être un Anarchiste !!

Quelle terreur folle chez les uns ! Quelle agitation et quel espoir de délivrance chez les autres !

Ah ! Combien ce pauvre sacrifié, cet ambitieux de l’échafaud, incarne bien la haine féroce que nous devons tous avoir contre les entasseurs d’or, et les lâches dispensateurs de la justice bourgeoise !

Et, combien il incarne aussi en lui-même, le froid dédain, et le mépris que nous devons également avoir pour les louches discours, les faux bouquins, les impénétrables tartines, et les mensonges des faiseurs anarchistes, intéressés àretarder notre vengeance.

En fait. Est-ce que depuis 10 ans, ces menteurs avaient fait faire un pas de plus àl’anarchie avec leurs flots d’encre empoisonnée d’idiotisme ou d’infamie ???

Nous disons carrément NON !

De même que nous affirmons, par la colossale propagande des faits d’un seul homme, que tous ces bâtards et autres chiures de la bourgeoisie sont nos ennemis déclarés, qu’ils ont intérêt àgangrener l’énergie des nôtres, et àfaire durer le status quo jusqu’àvitam éternam, tout comme les Liebknecht et autres crapules de socialistes-fumistes.

Il est temps que cette situation cesse. Et puisqu’enfin aujourd’hui, ces menteurs sont pris officiellement la main dans le sac, d’où ils viennent de tirer l’infamie pour la jeter àla tête du vaincu illettré, c’est ànous d’agir envers et contre eux, au risque de les broyer sur notre passage.

Et que ces filous de l’anarchie aillent encore pleurnicher la faveur d’être « interviewés  » par les reptiles bourgeois, qu’ils montrent encore leur audace de parler au nom des anarchistes, dont ils veulent être àla fois les papes et les députés, qu’ils y viennent encore ! C’est nous mêmes qui leur en donnerons des « interwiev  » àces petits crevés ! Qu’ils y prennent garde ! Qu’ils aillent porter leur doléances et pleurer par les yeux de « La Révolte  » dans le gilet des philosophes raseurs, c’est leur droit, mais de là, às’ériger en moralistes-jugeurs de l’anarchie… Jamais. Et àleur moindre tentative àce sujet, frappons-les les premiers, car ce sont nos pires ennemis !!!

Ah ! La Révolution brutale effraie ces Saints-Pères àtempérament de femme Hermaphrodite ! Ah ! La dynamite et le vol choquent douloureusement leurs longues oreilles, au point de les voir donner àleur tour, le coup de pied de l’âne au lion vaincu !!

C’est bien, Messieurs ! Votre déclaration nous satisfait, car elle vous montre cette fois tous nus et châtrés, aux yeux des pauvres ignorants qui croyaient en vous, et se reposaient sur vous du soin de penser àleur délivrance. Parlez donc encore de Morale, si vous l’osez, pieuvres de l’anarchie ! Désormais, les ignorants comprendront que « Révolution  » passe avant « Morale et philosophie  », et qu’ainsi la charrue ne marche pas avant les bÅ“ufs !! Tas de Jésuites, vous êtes vidés !

Vos excommunications n’atteindront plus personne !

Papes sans tiare, ni crédit, le silence ou le bâton vous attendent ! À vous de choisir !

Conrad Frölich, dans Le Communiste n°5, Angleterre, 23 avril 1892.