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Depuis un recoin du monde : lettre du compagnon Carlos López “Chivoâ€

mercredi 8 avril 2015

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[Pour rappel, Carlos a été libéré sous caution il y a peu après plus d’un an passé en prison au Mexique. Voir ici l’article sur la libération des trois compagnon-ne-s incarcéré-e-s dans cette affaire, dite du 5E (5 janvier).]

Compagnons, j’écris ces quelques lignes dans l’intention de faire connaître ma situation de vie actuelle, que j’ai décidé, àpartir d’une perspective très particulière, de mener àcause de la succession de situations qui se sont présentées dans le contexte récent de la lutte individuelle et/ou sociale, et la répression contre celle-ci.

La liste est longue de compagnon-ne-s qui ont été harcelés et sous le coup d’enquêtes àcause de l’activité anarchiste de ces derniers temps ici, et plus précisément dans le centre et le sud du pays, en les faisant suivre pour épier leurs moindres mouvements et voir avec qui ils s’organisent, en envoyant des saloperies de balances pour obtenir des informations, en accusant les compagnon-ne-s étranger-e-s de financer les luttes, et j’en passe. Et même lorsque j’ai été arrêté et emmené en prison avec mes compagnonnes d’affinité Amelie et Fallon, il y a eu une tentative de faire un lien entre de nombreuses personnes du milieu libertaire/anarchiste afin d’essayer de les lier ànotre affaire (5E), perquisitionnant des maisons afin d’obtenir des « preuves  » (sans y parvenir) et ainsi avoir plus d’arguments pour armer un coup fort àl’intérieur du petit monde acrate.

Ceci a mené àl’arrestation du compagnon « Tripa  » (et la persécution d’autres compagnons qui ont aussi dà» s’éloigner), où heureusement on a pu compter sur la réaction opportune des compagnonnes du GASPA [NdT : Groupe d’Avocates Solidaires avec les Prisonniers Anarchistes] pour le sortir immédiatement, vu que l’accusation ne reposait sur rien, et il n’a pas eu d’autre choix que celui de la cavale, vu qu’il était accusé pour ses antécédents « délictueux  » auxquels s’additionnait un lien avec les enquêtes pour terrorisme, sabotage et autres affaires qu’ils ont voulu nous mettre sur le dos.

Pour les mêmes évidences et ayant la faculté de choisir librement, j’ai décidé de prendre le chemin de la fuite pour différentes raisons, principalement pour ma propre sécurité et celle des autres compagnons, vu le chemin que prend tout cela. Je ne serai pas le premier ni le dernier àle faire, en ayant pris un chemin de lutte qui m’amène àme réapproprier ma propre vie, et qui mène aussi sur un chemin violent, frontal et réfractaire àtoute autorité. Et pas besoin d’être un érudit pour te rendre compte que tu seras dans le viseur de ces flics et procureurs qui essaieront de te lier et t’impliquer àn’importe quel cas d’action directe qui a lieu sur le champs de bataille, et dans mon cas, en sortant sous libération sous contrainte avec un pointage il est évident que j’aurais été àleur merci pour me rééduquer àleur goà»t, plaisir que je n’ai pas l’intention de leur procurer, au moins dans la mesure de mes possibilités.

En plus de ne pas avoir la moindre intention de collaborer àce foutu petit théâtre juridique qui aurait continué après ma sortie de prison, dès les premiers instants de ma libération physique j’ai décidé de ne pas être leur proie contrôlée par la visite périodique de l’endroit où j’étais censé me présenter pour effectuer une horrible signature durant un an et demi de plus. Pour tout cela j’ai décidé de ne pas me présenter devant le tribunal les jours suivants, cherchant àrompre avec ce que j’appelle une ligne de conduite.

Ceci ne veut pas dire que je m’éloigne de la lutte ou que je me repente de ce que j’ai vécu pour la mener, au contraire, celle-ci continuera d’être le facteur principal qui continue de me pousser dans cette facette insurrectionnelles vers l’inconnu de la liberté. Depuis « dehors  » aussi on peut continuer dans la quotidienneté de l’attaque permanente àtravers ses diverses formes et contenus, en cherchant àpoursuivre mes projets depuis d’autres endroits mais avec les mêmes visions, en sachant clairement que ça n’est pas avec la prétention de vouloir mener ma lutte dans la clandestinité volontaire ni de chercher une forme spécialisée ou supérieure d’attaque, mais en prenant en compte que celles-ci font partie des conséquences que nous devons affronter et assumer sur ces chemins du conflit, de faire les choses pour ce en quoi nous croyons et de la façon que nous le croyons possible et nécessaire.

J’ai toujours su que s’opposer fermement aux formes de subordination et aux contenus idéologiques que les techniques du mensonge démocratique emploient afin de maintenir leurs privilèges et l’état des choses, amènerait avec soi des situations opposées àce que n’importe qui de « normal  » voudrait pour sa vie. Mais comme moi je n’ai pas envie d’être ce genre de personne normale et d’accepter d’être un esclave de plus, j’ai voulu faire les choses de cette manière, comme le ferait n’importe quel irréductible àla recherche d’une vie meilleure àpartir de sa façon de comprendre les choses.

Cela aurait été plus confortable pour moi, après être sorti de prison et marcher dans la rue, de voir la famille, les amis et d’être aux côtés de ma chère fille, tout comme d’être aux côtés des compagnon-ne-s et personnes de diverses tendances avec qui j’ai des affinités pour continuer d’agir ensemble. Mais comprenant que ceci n’est pas un jeu et que la lutte doit se mener jusqu’aux dernières conséquences, il faut lui donner le sérieux nécessaire, et donc parfois il faut prendre des décisions qui peuvent s’avérer douloureuses par la distance physique avec les êtres aimés. C’est pour cela que je ne vois pas la cavale comme la seule issue, mais comme celle la plus proche de la vision que j’ai de la situation. J’y ai vu une façon adéquate d’agir, et j’ai déjàdit auparavant, entre autres choses, de ne pas donner lieu àdes enquêtes et tentatives de me lier àde futures actes violents similaires àcelui pour lequel j’ai été emprisonné, et avec cela de me lier aussi àd’autres compagnon-ne-s et àceux qui se trouvent sur le chemin, car nous savons de quoi se servent l’État et ses sbires de la loi et de l’ordre, et je ne dis pas ça par peur, mais en partant du fait que c’est aussi un acte insurrectionnel de prendre soin des nôtres.

Une part de mon insurrection individuelle consiste en une rupture avec toute forme d’entrave, et la destruction constante de n’importe quelle relation personnelle/sociale issue de l’ennemi tant abhorré, l’État/Capital, et de n’importe quelle autorité, est nécessaire et a un rôle prépondérant. Raison pour laquelle je continue de me déclarer en guerre permanente dans la mesure de mes possibilités. De telles relations se reflètent dans la société aliénée qui ne reproduit que ce qui s’apprend dans ses établissement éducatifs et religieux, ses moyens d’information et de production économique/technologique, de même que dans ses manières de se conduire dans divers aspects quotidiens, et ne mènent qu’àla domination et font que je refuse de participer au jeu juridique et àêtre un « bon citoyen  » car cela pourrait prouver que la punition donnée par les lois et leurs mentors fonctionne très bien. Je les emmerde !

C’est pour cela que je préférerais mourir dans la tentative plutôt que de chercher une concession, médiation, aide ou pacte avec l’ennemi que je cherche àdétruire. En comprenant que chacun a ses perspectives et façons de faire les choses, et respectant ce que chacun fait de ses luttes, et soutenant celles avec lesquelles j’ai le plus d’affinité ou qui au moins font preuve d’une certaine hostilité envers l’ennemi. Mais celle-ci est la mienne, et c’est àelle que je me tiens.
Sans rien d’autre àrajouter, je fais une grosse bise àceux qui me liront, et plus particulièrement àmes amis, compagnon-ne-s de lutte, àma famille et àtous ceux qui s’identifient dans la lutte contre le pouvoir sous chacune de ses facettes. La lutte continue, ne reconnaissant pas la situation comme prémisse de la fin, mais seulement comme la continuité de mes agissement libres.

Pour la liberté des prisonnier-es-s dans le monde !
Pour la solidarité avec les compagnon-ne-s en cavale, que le vent efface leurs traces !
Pour la destruction du pouvoir sous toutes ses formes !
Solidarité avec les compagnons en grève de la faim !
Guerre sociale de toutes parts !

Vive l’anarchie !

Carlos López “Chivoâ€
Depuis un recoin du monde
5 avril 2015

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[Traduit de l’espagnol par Camotazo.]