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Il y a des choses qui explosent la boite crânienne

lundi 21 juillet 2008

Trouver un boulot c’est pas compliqué, arrête de te prendre la tête. Tu as besoin de survivre et pour survivre tu as besoin de manger, pour manger tu as besoin d’argent, pour avoir de l’argent tu as besoin de travailler, pour travailler tu as besoin de chercher un travail et pour chercher un travail, travailler, gagner de l’argent, manger et survivre tu as besoin d’accepter cet état de fait.

Amen. Tout semble si simple. Il suffit de nier ce qu’il y a d’idéel en nous et de ne retenir que le pur matérialisme qui consiste àdire que pour obtenir B, il faut obtenir A. Il faut « jouer le jeu  » sans questionner. Extirper de soi-même tout recul et le sacrifier sur l’autel sacré du pragmatisme et de l’adaptation. Mais parfois les temps sont durs et le caisson peut exploser. Le recul mène parfois jusqu’au rejet de cette systématique du fatalisme. Mais ce recul dépasse l’entendement du « bon sens  » et l’inquiète, un défaut de fabrication sur un être qui n’arrive plus às’adapter àce monde qui fait la guerre aux défectueux, àceux qui sont les marginaux, ceux auxquels le service après vente sociétal n’a pas pensé lors de l’élaboration. Le matérialisme ras du sol révèle d’autant plus chez eux le fait que cette boite crânienne bien adaptée est parfois trop petite pour contenir l’esprit de révolte. Dépassant la logique illogique de ce système qui se veut simple et limpide, il peut parfois fissurer ce crane mal né qui ne peut plus contenir tant de rage née de l’inadaptabilité du sujet.

Car il y a des choses qui explosent la boite crânienne,
Car les normes de fabrications du crane et de son cerveau imposées par dieu le conditionnement ne sont pas prêtes àsupporter le choc d’une remise en cause de ce système, sa mise en doute.

Nous sommes les rêveurs. Nous sommes les inadaptés et nous voulons vivre, nous aussi sans que notre crane n’explose et n’illumine le ciel d’un feu d’artifice expiatoire.
Nous exigeons de nouvelles boites crâniennes et un nouveau système d’organisation sociale qui prendra soin de ne plus conditionner. . .

« Il ouvrit, comme d’habitude, la boite de cigares, et il sortit pour fumer.
Seulement, ce soir-là, il ne fumait pas un cigare : il fumait une cartouche de dynamite. La petite braise, le petit fanal de voiture, c’était le grésillement de la mèche.
Et il y eut, au fond du jardin, l’énorme éclaboussement d’or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C’était sa tête qui prenait, enfin, les dimensions de l’univers.
Qui a dit un roi sans divertissement est un homme plein de misères ?  »

Jean Giono

Extrait de Non Fides N°2
et de la brochure Réflexions sur le Travail