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« La guerre entre deux formes d’esclavage Â »

Par Antoine Gimenez (1974-1976)

samedi 17 octobre 2009

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Italien d’origine, Antoine Gimenez, de son vrai nom Bruno Salvadori (1910-1982), a participé àla guerre d’Espagne dans les rangs de la colonne Durruti.
Au début des années 1930, il se réfugie àMarseille. Il adopte une vie de trimardeur qui le mène en Espagne dans les milieux subversifs de Barcelone.
La police politique de Mussolini le suivant partout il décide d’acquérir une nouvelle identité : le personnage d’Antonio Gimenez apparaît en 1936.
Réfugié àMarseille après la guerre, il y rédige entre 1974 et 1976, ses Souvenirs, qu’il communique àses amis anarchistes peu avant sa mort en 1982. Ce court extrait conte le retour du front pour quelques jours àBarcelone en Novembre 1936 :

A notre passage àBujaraloz, on nous remit une forte somme d’argent. La solde de trois mois. Dix pesetas par jour pour essayer de nous faire tuer. C’était pas trop mal payé.

J’avais bien entendu dire que pour ne pas effaroucher les gouvernements des pays démocratiques qui pouvaient nous aider en nous vendant des armes, le Comité révolutionnaire avait été obligé de remettre en circulation les pesetas. Mais pour moi, ce fut comme une révélation : la révolution avait échoué.

Comme en Russie, quelques temps après la victoire des masses ouvrières et paysannes, les chefs du Parti Communiste déclarèrent qu’il fallait faire un pas en arrière et rétablir la valeur de la monnaie. Ce premier pas avait été suivi de beaucoup d’autres, et le peuple russe n’avait fait que changer de maitre : Après le tsar père de toutes les Russies, le petit père du peuple : Staline.

Barcelone ne fit qu’augmenter mon amertume : les ramblas regorgeaient de monde, la prostitution régnait en souveraine sur la grande ville. Les miliciens en permission, reconnaissables àla salopette (mono) qu’ils avaient adoptés, remplissaient les rues de leurs chants et de leurs rires sans voir que la cause était trahie, la révolution morte.

Il ne restait plus que la guerre contre le fascisme, la guerre entre deux formes d’esclavage.

[Antoine Gimenez, Les fils de la nuit. Souvenirs de la guerre d’Espagne, 1974-1976.]

Extrait de la brochure L’Anarchisme contre l’antifascisme.