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Le mauvais exemple

De la lutte anti-esclavagiste dans le Salento

vendredi 5 février 2010

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Le 10 février prochain, un mois après les émeutes àRosarno qui ont
montré au monde entier les conditions dans lesquelles vivent les
étrangers pauvres en Italie (exploités, persécutés, rejetés,
déportés), se conclura àLecce le procès en appel contre quelques
anarchistes qui, il y a quelques années, se sont battus contre les
négriers modernes. (pour rappel)

Tandis qu’en Calabre, les damnés de la terre souffrent sous le joug du
« crime organisé  » tant exécré, àcôté - dans le Salento - leur enfer
était le CPT [centre de rétention] mal famé de San Foca, le Regina
Pacis. Surveillé par des uniformes fidèles et géré par des soutanes
bénites, des violences telles qu’elles ne pouvaient plus être cachées
ni par les murs ni par les grillages se passaient àl’intérieur de ce
centre. Certains l’ont vu, l’ont entendu et l’ont raconté. Le scandale
était énorme et, dans les palais du pouvoir, se répandait une certaine
gène. L’évêque de Lecce fut obligé de prendre la défense du
responsable du centre – son acolyte Don Cesare Lodeserto – tandis que
la justice mettait en marche des enquêtes timides. Entre-temps, la
colère grondait dans la rue. Tandis que tous les démocrates sincères
manifestaient pour le droit et ses normes, les anarchistes ont soutenu
la révolte contre le camp et ses gardes-chiourme.

Récemment, nous avons encore vu comment l’Etat – qui fomente la guerre
entre les pauvres en promulguant des lois xénophobes et en incitant à
la haine raciale – est intervenu àRosarno pour rétablir l’ordre :
d’abord il a déporté en masse les rebelles, ensuite il a arrêté
quelques meneurs d’esclaves. A Lecce, l’Etat s’est comporté de la même
manière, mais àl’inverse : d’abord le prêtre, responsable des
maltraitances, a été arrêté (en mars 2005), ensuite une enquête a été
ouverte contre plusieurs anarchistes. Cinq compagnons ont été
incarcérés en mai 2005. Après un an de réclusion, ils furent relâchés
et ensuite condamnés, en première instance, àdes peines allant de 5 à
2 ans de prison, pour « association de malfaiteurs  » et quelques
délits spécifiques. D’autres anarchistes furent condamnés àdes peines
plus légères. Aujourd’hui, le camp de Regina Pacis est fermé et le
prêtre-tortionnaire a été envoyé en mission àl’étranger pour les
comptes de Dieu. Mais la justice de Salento voudrait régler les
comptes suspendus avec ces ennemis de toutes les frontières. Non
seulement pour confirmer les peines, mais aussi pour les alourdir
d’avantage.

Tandis que pour une grande partie de ces mêmes institutions, la
révolte des immigrés àRosarno est vue comme un exutoire
compréhensible, la révolte des anarchistes de Lecce constitue une
menace intolérable. L’esclave qui se rebelle contre un énième coup de
fouet, pourvu qu’il n’exagère pas trop sa rage et rentre dans les
rangs ensuite, peut encore se comprendre (sous réserve d’utiliser
cette rébellion ensuite comme prétexte pour une déportation de masse).
Des individus qui refusent le rôle de citoyen passif et indifférent,
qui refusent toute discipline de parti, sont réprimés sans
hésitations. Parce qu’ils donnent le mauvais exemple. L’Etat
désapprouve l’omerta quand il s’agit de violences privées, mais la
considère comme une obligation civique face àla violence
institutionnelle.

Les anarchistes de Lecce ont fait ce que les meilleurs habitants de
Rosarno n’avaient pas le courage de faire. Ils n’ont pas fermé les
yeux sur ce qui était en train de se passer, ils n’ont pas invoqué ou
attendu qui que ce soit, ils sont montés sur le champ de bataille pour
arrêter directement l’infamie en cours. Et ils l’ont fait sans motifs
politiques ou hypocrisie missionnaire. Ils ont vu une humanité en
chaînes et se sont insurgés contre les négriers.

Voilàpourquoi àLecce, ils veulent les condamner le 10 février prochain.
Voilàpourquoi nous ne pouvons pas les laisser seuls.

Quelques ennemis des frontières.

[Texte traduit d’une initiative àvenir àFlorence : “Contre l’esclavage de l’Etat et les camps pour immigrés, contre les CIE [centres de rétention] et les prisons†. Cette initiative aura lieu le 7 février en soutien aux anarchistes de Lecce qui comparaissent devant le tribunal pour la lutte contre le centre de rétention de San Foca]

Source.