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Les Tunisiens, Delanoë les préfère morts, riches ou expulsés

vendredi 1er juillet 2011

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Jeudi 30 juin à11h, môssieur le maire et une cohorte de costumes-cravates viendront inaugurer une placette àParis. Situé au carrefour de l’avenue Reille et de la rue Sibelle (14e), ce triangle de béton portera désormais le nom de Mohamed Bouazizi. Bouazizi est ce jeune vendeur àla sauvette harcelé par les flics qui s’est immolé le 17 décembre 2010 àSidi Bouzid... déclenchant le soulèvement tunisien qui conduira àla chute de Ben Ali le 14 janvier.

Les Tunisiens, Delanoë les préfère riches

Un des arts de la domination réside dans le pouvoir de nommer les choses, afin de mieux les neutraliser. Ainsi, décider du nom des rues et des places où nous vivons, nous, est typiquement un apanage des puissants. Quel que soit leur bord, cette proposition de « place Bouazizi  » a fait l’unanimité entre le PS et l’UMP au Conseil de Paris en mars 2011. Cette union sacrée sur le dos d’un mort qui n’en demandait pas tant, sonne d’ailleurs un peu faux, comme si tous avaient justement quelque chose àse faire pardonner. Sans vergogne, n’ont-ils pas tous fait pendant des décennies de bonnes affaires avec le désormais infréquentable Ben Ali ? Ce despote éclairé offrait des places de jet privé àMichèle Alliot-Marie et, en tant que membre de l’Internationale Socialiste, il festoyait avec Delanoë , Moubarak et Gbagbo... Et le banquet est loin d’avoir pris fin, vu qu’en Tunisie, la plupart des bons amis de Môssieur le maire sont restés en place. On a pu en croiser de biens cossus au « village du Jasmin  » le 22 mai sur le parvis de l’Hôtel de Ville, puis au « Salon de l’immobilier tunisien  » le 11 juin, deux vitrines opulentes sponsorisées par la mairie.

Les Tunisiens, Delanoë les préfère expulsés

Le maire de Paris, ce grrrand ami des Tunisiens, met lui-aussi en oeuvre le savoir-faire français en matière de maintien de l’ordre : le 4 mai, il fait expulser 128 harragas tunisiens d’un immeuble vide de la ville, au 51 avenue Bolivar (19e), les livrant ainsi àla police et aux centres de rétention. Début juin, il fait couper l’eau au square de la porte de la Villette, où des centaines d’entre eux se sont réfugiés, puis les fait virer manu militari. Aux Buttes-Chaumont, il fait fermer les grilles du parc pour aider les flics àles traquer. Fin mai, il avait déjàrepris de force le gymnase de la rue de la Fontaine-au-Roi, occupé depuis le 7, avec une trentaine de gros bras : 100 places dedans, et tous les autres dehors, àla rue.

En réalité, la mairie a tout fait pour empêcher tout regroupement et toute auto-organisation des harragas en lutte. Ses propositions se sont résumées lors de rares négociations àquelques places provisoires dans un foyer carcéral géré par une annexe du constructeur de prisons Vinci (l’association « Aurore  »). Pour ceux qui ont refusé, c’est l’expulsion directe des lieux occupés puis le centre de rétention. Pour tous, la chasse quotidienne dans les rues de la capitale continue. Môssieur le maire a trouvé des solutions de relogement : plus de la moitié des places du centre de Vincennes sont occupées par des Tunisiens.

Les Tunisiens, Delanoë les préfère morts...

Delanoë s’intéresse àd’autres vendeurs àla sauvette que Mohamed Bouazizi. Rénovant Paris pour réaliser son rêve d’une ville propre, vidéosurveillée et si possible sans pauvres, il aimerait bien virer tous les biffins qui survivent en vendant des bricoles àCouronnes, au pont de Bagnolet, àla porte de Montreuil ou àla porte de Clignancourt... Ces pauvres qui, comme les Bouazizi du monde entier, sont harcelés quotidiennement par la police àcoups de matraques, de gaz lacrymogène et parfois de flash-ball. Les flics piétinent leur gagne-misère, parce qu’ils ne disposent pas d’une patente en bonne et due forme. Môssieur le maire supplie le préfet de faire « nettoyer  » ces zones, ce qui a conduit fin janvier àla création d’une brigade spécialement musclée de quartier àBelleville, la BST.

Pour les charognards de la mairie, un vendeur àla sauvette tunisien n’a de valeur que mort, lorsqu’on peut le récupérer pour faire oublier qu’en haut, le grand business continue, et qu’en bas, les harragas d’ici, bien que pourchassés, sont bien vivants. Pour faire oublier que la « révolution  », ce sont eux qui l’ont faite, et contre les amis de Delanoë et consorts de surcroît..

Des complices du soulèvement tunisien, avec ou sans papiers.