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Marseille : Lutte de CRAsse !

jeudi 23 août 2012

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Les migrations – et les politiques migratoires – sont une question de
travail autant que le travail est une question de migrations .

Pour les patrons, l’exploitation des travailleurs migrants est une réponse
efficace (et pas chère) aux exigences actuelles du mode de production de
la marchandise, de la valeur et du profit .
En effet, le capitalisme tire en partie sa dynamique de la circulation.
Plus la circulation de la marchandise s’intensifie, plus elle prend de la
valeur et plus elle rapporte de l’argent. Par circulation de la
marchandise, il faut entendre aussi bien circulation financière, de
l’information, des biens de production et de consommation ... mais aussi
des travailleurs ! La mobilité s’impose aujourd’hui comme faisant partie
intégrante de la condition du travailleur. Autrement dit, pour survivre,
il va falloir se rendre mobile. « Ici  », d’un petit boulot de merde à
l’autre ; « là-bas  », d’un continent de merde àl’autre.

Les travailleurs migrants sont une main-d’Å“uvre flexible que les patrons
peuvent employer au coup par coup, pour des missions précises (une saison,
un chantier), au même titre que les intérimaires, ceux qu’on fait
travailler au black ou àcoup de contrats précaires .
Les sans-papiers forment
ainsi les régiments de prolos qui permettent pour nombre de secteurs
d’effectuer une confortable « délocalisation-sur-place  » (BTP,
restauration, services, agriculture...). Cela permet aux patrons d’exercer
une pression sur le marché du travail et de niveler les salaires vers le
bas pour l’ensemble des travailleurs.
Ainsi, le but des politiques migratoires, ce n’est pas que le territoire
devienne un bunker ni même une « forteresse  », mais bien de se doter des
moyens de trier les migrants en fonction de leurs profils et des besoins
spécifiques du marché du travail ( l’immigration choisie : tout est là!).

Dans ce monde de la mobilité obligatoire, dans cette société àgrande
vitesse, c’est par la multiplication des frontières dans notre quotidien
que les dominants entendent nous tenir àl’oeil et au boulot !

Plus la mobilité des personnes et des marchandises s’accroît, moins leur
contrôle est évident. Et qui dit moins de contrôle dit moins d’argent.
Pour y remédier, il faut disséminer la frontière dans l’espace, afin de
créer les conditions d’un contrôle omniprésent et permanent.
De ce point de vue, le contrôle des migrants est un terrain
d’expérimentation autant qu’un bon révélateur des pratiques de contrôle
généralisé de la population. La traque quotidienne des sans-papiers
accompagne la banalisation des pratiques de contrôle policier. Le
contrôle de papier sert aussi de prétexte au contrôle tout court, le
fichage administratif précède l’extension du fichage policier et les
dispositifs d’arrestation de sans-papiers, en particulier les rafles,
renforcent l’occupation policière de nos quartiers. La frontière est bel
et bien un mode généralisé de gestion de la population, et pas seulement
une conséquence de l’ordre économique de ce monde. Des grilles du centre
de rétention aux bornes biométriques des cantines scolaires, des portiques
du supermarché aux caméras « intelligentes  » dans les gares, les aéroports
et la rue, du fichage ADN au fichage Base-élèves pour les mineurs
scolarisés, les dispositifs de contrôle sont devenus notre quotidien. On
sent que la frontière est diffuse tout autour de nous, et qu’elle peut se
matérialiser àtout moment pour nous radier, nous arrêter, nous
enfermer...

Les migrants, avec ou sans papiers, nous rappellent sans cesse que ce ne
sont pas nous qui traversons les frontières, mais bel et bien les
frontières qui nous traversent, nous isolent et nous divisent...

Alors que la précarité devient la condition sociale la plus généralisée et
tandis que nos marges de débrouilles pour survivre individuellement se
réduisent, la tendance est plutôt au replis identitaire et à
l’atomisation. Le climat de peur et de solitude face àla répression est
le meilleur effet de l’éclatement de la frontière.
Aussi, nous ne pouvons que saluer les tentatives qui battent en brèche la
résignation quotidienne et nous solidariser de ces résistances .

Lorsque les habitants d’un quartier résistent contre les expulsions
locatives, lorsque des passants dans la rue s’opposent àdes
interpellations, lorsque des révoltes éclatent dans les centres de
rétention, nous pensons qu’il est important de ne pas les laisser isolées.
Agir en solidarité est aussi un moyen de renforcer le rapport de force. La
solidarité est une arme pour briser certaines de nos frontières.

Nous ne sommes pas solidaires de la misère, mais de la vigueur avec
laquelle les hommes et les femmes ne la supportent pas.
Nous ne nous battons pas seulement contre les frontières et les centres de
rétention mais contre le système qui les produit.

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