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Italie : deux lettres sur les luttes anticarcérales
dimanche 18 août 2013
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[Ces deux courriers ont été retenus par l’AP, et le second a valu à Nicola l’ouverture d’une instruction par le parquet de Bologne le 7 aoà »t pour "incitation au crime".]
Une contribution pour la rencontre du 3 aoà »t à la Riottosa (Florence)
Cher compagnonnes et chers compagnons, j’ai appris avec plaisir les rencontres qui se tiennent pour organiser une présence solidaire à l’occasion de notre procès. Je vous envoie ce texte, même s’il n’a pas été pensé spécifiquement pour ces réunions, mais je pense qu’il peut donner lieu à des réflexions ultérieures pour la discussion. Autant Alfredo que moi avons trouvé très intéressant le document "A tête haute" qui introduit les rencontres, parce qu’il n’est pas strictement centré sur notre cas, mais "utilise" cet épisode répressif particulier pour rediscuter de thèmes importants, dont la solidarité révolutionnaire, l’action anarchiste, le rapport avec les luttes sociales, etc. à propos desquels, on raisonne malheureusement, ou plutôt on ne raisonne pas, qu’à travers des phrases toutes faites. Nous ne pouvons qu’espérer que toutes ces discussions ne perdent jamais de vue l’aspect pratique de la lutte anarchiste, nous pensons que tous les raisonnements doivent viser à rendre plus incisive et concrète notre action. Par rapport à ce de quoi nous sommes accusés, la jambisation de l’administrateur-adjoint d’Ansaldo Nucleare, nous nous prononcerons plus avant lorsque débutera notre procès le 30 octobre.
Courage compagnons, il y a un monde entier à démolir !
Vive la nouvelle anarchie !
Nicola Gai
23/07/2013 Ferrara
Ferrara, juin 2013
Sur la lutte anticarcérale
Depuis quelques temps, il est évident à quel point la lutte anti-carcérale revient sous les feux de la rampe, comment de nouvelles figures de "rebelles sociaux" sont poussées sur la scène du mouvement [anarchiste], et alors tout recommence : manifestations, rassemblements et propositions de bulletins pour donner de la place aux lamentations qui sortent des geôles de l’Etat. Rien de nouveau sous le soleil, la toupie à laquelle ressemble trop souvent notre mouvement revient de façon cyclique sur un des aspects de ce monde de merde et se remet à tourner. L’intérêt des compagnons se réveille, on crée des assemblées où on défend qu’il faut approfondir la question, comprendre ce qui se passe dans ces lieux de torture... et quel est le résultat ? On décide d’aller tracter aux familles des détenus les jours de parloir et on organise un rassemblement qui aura certainement du succès, vu que les prisonniers "répondront" nombreux et enthousiastes. En réalité, un autre type d’action, à vrai dire déconcertant, s’est rajouté dernièrement au scénario : un rassemblement "déterminé et communicatif" devant le ministère de la Justice à Rome. Ce n’est pas faute d’essayer, mais nous n’avons toujours pas réussi à comprendre ce que faisaient devant un ministère des anarchistes, en colère suite aux tabassages survenus dans la prison de Tolmezzo, s’ils n’y étaient pas pour y mettre le feu.
Autant la prison est un problème permanent, autant les "mobilisations" contre elle sont des épisodes qui durent jusqu’à ce que l’attention des compagnons ne soit appelée ailleurs par quelque autre "urgence". Ou jusqu’à ce que l’objet de nos attentions (le rebelle social, le prolétariat enfermé, etc.) ne recherche un interlocuteur, plus ou moins institutionnel, qu’il considère plus apte à satisfaire ses besoins. Mes considérations, je tiens à le clarifier, ne sont pas dictées par une quelconque rancœur personnelle ou liées à une compétence particulière dans ce domaine, mais par une simple donnée biographique : j’ai participé à différentes vagues de lutte anticarcérale, toutes nées sur de telles bases et qui toutes se sont calmées de la même manière.
Je me souviens très bien de la lutte des ergastolani [celle des condamnés à perpétuité, en 2007/2008], qui fut même dans ce cas enthousiasmante, des assemblées, des rassemblements, d’un bulletin anticarcéral, puis que les protagonistes de la protestation, souvent présentés comme des rebelles insoumis, ont décidé de suspendre la grève de la faim et de suivre un chemin plus institutionnel pour résoudre leur problème : fin de tout, et on repart pour une autre lutte. Je pense qu’il est nécessaire de prendre le temps pour réfléchir sur le pourquoi se présentent de façon cyclique les mêmes situations, qui finissent toujours de la même façon. Pourquoi ne réussissons-nous pas à donner plus de continuité et un côté incisif à notre agir ?
Je suis certain que nous devons cesser d’être transportés par notre émotivité, par l’urgence du moment. Nous jouons trop souvent de façon défensive, il semble presque que l’objectif des anarchistes est de résoudre les problèmes du "sujet" révolutionnaire du moment : prisonniers, immigrés, exploités, etc. Je suis convaincu que les anarchistes doivent "simplement" attaquer, chacun avec ses propres méthodes et temporalités, tentant de vivre la [....], la joie de la destruction sans rechercher le "consensus" parmi les exploités du moment. Ici, certains pourraient me faire remarquer que je ne fais qu’énoncer des principes partageables par tous, mais alors, qu’est-ce que je propose de faire ?
Prenons appui sur ce qui se passe autour de nous. La prison est une telle monstruosité que nous n’avons pas besoin de connaître le moindre abus qui y est commis pour savoir qu’elle doit être détruite. Ne nous lançons pas dans des études plus ou moins approfondies sur les transformations de l’appareil carcéral, faisons comme les compagnons grecs de la Conspiration des cellules du feu - Fai/Fri - Bandes de la Conscience - Fai/Irf - Cellule Sole-Baleno [1] : renseignons-nous sur où le directeur se gare et agissons en conséquence. Imitons les compagnons chiliens de la Cellule antiautoritaire insurrectionnelle - “Panagiotis Argirou†- Fai/Irf qui le 12 mai ont frappé l’Association nationale des fonctionnaires pénitentiaires à Santiago. Ou bien prenons exemple des anonymes compagnons qui à Trento, il y a quelques mois, ont mis le feu aux véhicules d’une entreprise qui spécule sur la cantine des prisonniers [2].
Si nous sommes tous d’accord qu’il n’y a rien de plus beau qu’une prison qui brà »le, armons nos désirs et donnons-nous à faire
Nicola Gai
Casa Circondariale di Ferrara,
Via Arginone 327,
44122 Ferrara, Italia
[Traduit de l’italien de Contrainfo par Brèves du Désordre.]
Plus d’informations ici à propos de Nicola et Alfredo, incarcérés à Ferrara (Italie) et accusés de la jambisation d’Adinolfi.
[1] Début juin, la voiture du directeur de la prison de Koradillos a sauté en l’air à Athènes. Cette action a été la première du "Projet Fénix", suivie par l’attaque contre l’auto d’un maton de la prison de Nafplio, en Grèce, par des compagnons de la Conspiration internationale pour la vengeance - Fai/Fri.
[2] NdT : on peut se demander si tous ces exemples sont uniquement illustratifs, vu la mise en avant de sigles d’organisations qui s’expriment prioritairement à travers des communiqués envoyés à l’ennemi, mettant ainsi chacun dans une position de spectateur, et cherchant d’autre part moins à authentifier l’attaque qu’à développer longuement ce qui motive ses auteurs. Cette méthode laisse alors peu d’autre possibilité que de prendre en bloc l’action et sa revendication, ou de rejeter l’ensemble. Mécanisme qui s’accentue davantage encore lorsque le sigle est fixe, avec une somme (même incohérente) à laquelle adhérer... ou pas.
Il se déroule heureusement aussi des attaques qui peuvent appartenir à tous parce qu’elles ne sont la propriété de personne en particulier, en restant anonymes, et ce, dans beaucoup de pays. Et peut-être parce que lorsqu’elles parlent d’elles-mêmes, elles n’ont besoin d’aucune justification ou explication. Pour la France par exemple, en restant sur le même thème des prisons, citons juste les trois dernières recensées sur ce site sans grand effort de recherche : six véhicules de matons vandalisés sur le parking du centre pénitentiaire du Gasquinoy (Béziers) le 25 mai 2013, incendie d’engins de chantier du bâtisseur de taule Eiffage à Pontcharra-sur-Turdine le 15 avril 2013, quatre véhicules de matons incendiés sur le parking du centre pénitentiaire de Ploemeur le 25 octobre 2012, etc. etc.