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Paris : « Aux enfermés du confinement  », réunion publique

Présentation du site et perspectives

vendredi 26 juin 2020

Une base de données sur la gestion de la pandémie au niveau international est née au mois de mars dernier sous la forme de ce site dédié Aux enfermés du confinement, sur lequel on trouve des brèves quotidiennes ainsi que des textes d’analyses écrits pendant ce travail ou trouvés ici ou là. Après plus de mille brèves et trois mois d’existence, une fréquentation désormais régulière et conséquente, ses participants actuels proposent de présenter où en est ce projet et de discuter des perspectives qu’il peut ouvrir. Ce sera aussi l’occasion de prendre un peu de recul pour réfléchir autour de ce qui nous arrive sur toute la planète depuis quelques mois, et des diverses interventions qui ont été essayées face àcette situation qu’on a encore du mal àréaliser et àmesurer, mais qui est en train de transformer durablement le cours de nos vies, portant en elle des formes de contrôle et de répression inouïes, mais aussi des poussées de révoltes vivantes.

Pourquoi ce projet ?

Après trois mois d’existence de ce site qui est né du besoin impérieux de se donner les moyens de comprendre une situation encore il y a peu inimaginable qui affecte la vie de tous les habitants de la planète, et qui se poursuit en évoluant au fil des changements qui interviennent très rapidement dans cette situation, un moment de bilan et de questionnement s’impose.

Au départ, il y a une inquiétude qui a résonné en nous comme une urgence. Le confinement, nous enferme dans ce qui nous sert de domicile et, loin de constituer une pause dans l’exploitation et la domination, les rend d’autant plus violemment visibles (le sort commun du confinement a été très inégalitaire, en fonction des conditions de vie, des relations sociales, de la stabilité des revenus, etc., et chacun a été confiné dans la vie qu’il a pu ou pas se ménager dans le capitalisme). Mais que va-t-il advenir de tous ceux et celles qui sont déjàenfermés et qui se retrouvent aux prises avec la gestion d’État sans limite et sans regard extérieur possible ? Que va-t-il se passer dans les institutions qui se sont refermées sur ceux qui les subissent ? Et ainsi, l’idée s’est imposée de grappiller partout où on peut les trouver, tout ce qu’on peut savoir sur ce qui se passe dans les prisons, les Ehpad, les hôpitaux psychiatriques et foyers médicaux, les centres de rétention et les zones d’attente, avec l’idée de porter une attention particulière et de garder au moins la trace de ce que vivent « les enfermés du confinement  », enfermés dans l’absence de soin, àla merci de la gestion des pénuries. Et en effet, pour ne donner qu’un exemple, les Ehpad se retrouvent dans une situation par certains points comparables avec les prisons, avec les mêmes restrictions de visites des proches (on parle d’ailleurs maintenant de « parloirs  » dans les Ehpad…) dans ces deux genres de lieux complètements différents par ailleurs, dont le seul point commun est la gestion institutionnelle de l’enfermement. On s’est souvenu alors aussi de ce qui est arrivé aux patients des hôpitaux psychiatriques pendant la Deuxième Guerre mondiale, morts en masse de faim, de froid et d’absence de soin, parce qu’au moment où le capitalisme se considère comme dans l’obligation de gérer le tri des vies (que ce soit lors de pénuries alimentaires ou sanitaires), ce sont toujours les vies les moins productives qui sont laissées àl’abandon. On s’est rendu compte très vite que la collecte d’informations ne pouvait pas se limiter aux frontières françaises, que ça n’aurait pas de sens : sur toute la planète un sort commun se décline en fonction des situations, des politiques d’État et des réactions qu’elles suscitent. L’objet du site s’est donc imposé comme international. Et puis très vite, on s’est rendu compte aussi que la question de l’enfermement ne se limite pas àl’enfermement physique matérialisé par des murs, des portes fermées et des barreaux, que certains espaces se retrouvent très vite lieux d’enfermement, comme les bidonvilles par exemples ou les « camps de travail  » que constituent certaines zones industrielles, dans les pays du Golfe par exemple, et plus largement que des situations sociales comme la pauvreté enferment aussi. Notre objet s’est donc élargi tout en se précisant : ce qu’on observe, ce sont toutes les situations qui mettent des êtres humains, partout dans le monde, àla merci des politiques gestionnaires des États et du capitalisme. Le tracking et les applications de surveillance dans les lieux de travail où dans tous les moments de la vie en a fait parti, bien qu’il cherche àcapter les d’identités et déplacement de tout le monde, justement parce qu’il voudrait faire rentrer la possibilité de la gestion totale dans la vie de tout un chacun. Enfin il nous est apparu que la mesure de confinement généralisé que nous avons subi temporairement (même si ça a duré bien longtemps) n’est qu’une mesure de gestion parmi d’autres, que dans les pays où un tel confinement n’a pas été imposé, ce sont des formes de confinement ciblés particulièrement destructeurs et enfermants qui ont concerné certaines catégories de la population, que le déconfinement d’ailleurs, en France, n’a pas déconfiné tout le monde, bref s’arrêter avec l’annonce du petit déconfinement de Macron le 11 mai n’aurait eu aucun sens, quand les prisonniers et les patients des Ehpad ne peuvent toujours pas recevoir de visites dans des conditions un minimum fluides, quand d’autres endroits du monde sont aux prises maintenant avec la flambée de l’épidémie, quand justement les lieux d’enfermement, « protégés  » un temps par leur exclusion relative des rapports sociaux, risquent d’être touchés de manière décalée par le virus.

Le confinement généralisé a été l’occasion spectaculaire de s’intéresser àcette question, mais il est clair que sa fin ne change finalement pas grand chose. Les pertes et profits de cette mesure ayant été calculés par les experts qui nous gouvernent, il apparaît d’ailleurs qu’elle serait trop coà»teuse pour le capitalisme et qu’on chercherait àl’avenir àl’éviter pour préférer des confinements ciblés qui permettent le maintien du travail, quitte àdevoir « habituer la population àune certaine surmortalité  » s’il le faut…

En prêtant attention àce que fait la gestion déchaînée aux êtres humains lorsqu’ils sont àsa merci, on s’est retrouvé face àdeux grands genres d’informations : les avancées de la gestion et leurs conséquences (qu’on a séparé en deux catégories : les mesures administratives et les informations diverses sur la réalité de leur mise en Å“uvre), et, fort heureusement, une grande variété de traces de lutte contre ces mesures, de refus, individuels ou collectifs, de révoltes parfois violentes et massives. Le confinement est une situation où les États jouent gros et, comme toute situation extrême, cette période a été et est toujours porteuse de révoltes, contre la propagation du virus et contre les politiques gestionnaires mises en Å“uvre, et ces révoltes se sont exprimées partout où justement l’emprise de la gestion est la plus forte (prisons, zones d’enfermements des migrants, mais aussi quartiers pauvres, réserves indigènes, etc.). On peut d’ailleurs faire l’hypothèse par exemple que la gestion de la pandémie n’a pas rien àvoir avec l’intensité de la flambée émeutière en cours aux États-Unis.

Comment le site fonctionne ?

Il s’agit donc, àla fois comme une contribution pour mieux comprendre la période, mais aussi comme un hommage àtous ceux et celles auxquels la gestion prend la vie, en les tuant, en les déplaçant, en les enfermant, en les empêchant de se mouvoir, de voir leurs proches, etc., de réunir une sorte de banque de données accumulées au fil des jours, sous la forme de brèves dont on essaye que chacune puisse faire sens, mais qui sont surtout utiles perçues dans leur ensemble ou àtravers des axes d’analyses transversaux. Comme il s’agit de proposer des éléments pour comprendre et analyser, un système de mots clé a été mis en place pour pouvoir sélectionner des types d’informations, soit par catégories, soit par localisation, soit par type d’enfermement. Ce système de classement est d’ailleurs aussi àdiscuter et faire évoluer au fur et àmesure que le projet prend de l’ampleur et se précise.

Réunir ces informations est un travail de fourmi quotidien, et il nous a semblé intéressant de faciliter la participation de tous ceux et celles que ce projet intéresserait par la mise en place d’un fichier qu’on peut transmettre àquiconque voudrait y participer, et qui indique les éléments minimaux àréunir et transmettre pour qu’une brève puisse être rédigée. Ce projet n’a de sens que comme un projet ouvert et dont les participants réfléchissent àl’évolution. N’étant pas spécialiste de ce type de petit récit très contraignant (faut-il rappeler que personne parmi nous n’est journaliste… et que personne n’a le talent d’un Felix Fénéon pour écrire quotidiennement des magistrales Nouvelles en trois lignes …), nous apprenons en le faisant et, avec un minimum de transmission de l’expérience récente que nous avons acquises en la matière, tout le monde peut s’y mettre, plus ou moins ponctuellement, soit parce que le projet l’intéresse, soit parce qu’il ou elle est dans une situation qui lui permet d’avoir accès àdes informations importantes.

Car une des limites d’un tel projet, en plus de l’ampleur du travail, c’est bien sà»r les sources, qui sont majoritairement divers organes de presse. Car àpart quelques sites militants qui sont assez complets sur des sujets précis dans certaines régions du monde (la prison ou les lieux d’enfermement pour migrants par exemple) et ont pu développer des modes d’informations plus directs, pour tout le reste, nous manquons de sources non-journalistiques. Il serait très intéressant de pouvoir créer la possibilité d’avoir des informations directes sur ce qui se passe dans les Ehpad par exemple, ou dans d’autres lieux où n’existe pas une habitude contestataire ou une attention àtoutes les formes mêmes ténues de refus de la gestion et de l’enfermement.

Et puis, si nous réunissons toutes ces informations, ce n’est pas pour les collectionner… nous espérons vivement que ce travail puisse nourrir des réflexions, ici ou là, et porter des possibilités de pratiques subversives. Nous cherchons nous-même àprendre aussi le temps de l’analyse, même si le travail d’accumulation est en lui-même très chronophage. Quelques textes plus analytiques et transversaux ont été produits dans le cours de la fabrication de ce site, sur les objets connectés, sur le prétendu « ralentissement  » de la justice en période de confinement, sur la quarantaine comme enfermement administratif, d’autres sont en gestation. Une rubrique « analyse  » permet aussi de diffuser des textes actuels ou inactuels qui nous semblent utiles pour réfléchir autour des éléments d’informations disponibles dans la chronologie. Contribuer au site, ça peut être aussi écrire àpartir de ce qui y est rassemblé, même des articles courts sur des points précis, ou proposer des textes d’analyses déjàexistants qui aident àcomprendre ce qui est en train de se passer.

Quelles perspectives ?

Si le site n’a pas cessé d’exister avec l’anecdotique et partiel déconfinement àla française, ça ne signifie pas pour autant qu’il ait forcément vocation àse pérenniser. La question reste ouverte et c’est le moment de commencer ày réfléchir et àenvisager jusqu’àquand il devrait perdurer : doit-il cesser d’exister quand la pandémie et sa gestion seront officiellement terminées au niveau international ? Cette piste d’observation de la situation en cours peut-elle au contraire continuer avoir de l’intérêt durablement dans le monde dans lequel nous venons brutalement d’entrer ? Vers où tourner nos regards pour trouver de quoi nourrir notre volonté de détruire ce monde et ses enfermements ?
Il s’agit aussi de voir concrètement comment ce site peut être ouvert aux contributions de ceux et celles qui voudraient y participer, àla fois au niveau matériel (comme recueillir les éléments d’informations qui peuvent être apportés) mais aussi en terme de réflexion sur son organisation, son devenir, etc.

C’est pour avancer sur toutes ces questions et aussi pour quitter les écrans et claviers et avoir l’occasion de rencontrer ceux et celles qui s’en servent et le consultent que les participants actuels àce projet proposent une réunion publique :

Le site internet : https://mitarduconfinement.blog/