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Quel Noë l pour les prisonnières de la MAF des Baumettes, àMarseille ?

lundi 22 février 2021

À Marseille, depuis plusieurs mois, les prisonnières de la MAF (maison d’arrêt pour femmes) des Baumettes dénoncent la détérioration de leurs conditions de détention et les violences pénitentiaires qu’elles subissent.

Conditions de vie ? De survie, plutôt !

Comme dans les autres prisons de France, le quotidien des prisonnières de la MAF s’est encore dégradé avec la crise du coronavirus, mais un nouveau cap a été franchi depuis deux mois.

Les activités hors des cellules sont suspendues ; en promenade, l’eau a été coupée, ce qui signifie que les prisonnières restent plusieurs heures sans pouvoir se désaltérer ni aller aux toilettes. Le lien avec les proches est mis en péril par la fermeture des UVF (unités de vie familiale) et des relais enfants et par la réduction de moitié de la durée des parloirs. Les produits cantinés arrivent en retard, voire pas du tout. Quant aux colis de noë l — le petit extra alimentaire toléré chaque année par l’administration –, aucune denrée dite périssable n’est plus acceptée.

« On est séparés par une vitre, donc on peut pas approcher nos familles ; c’est impossible, pour nous. La vitre part du sol et monte jusqu’au plafond.  »[Témoignage du 23 décembre.]

« C’est urgent, la prison est en feu, les détenues sont àbout. On est plusieurs femmes àdénoncer tout cela. […] Ça fait plus de deux mois que ça dure.  »[Témoignage du 24 décembre.]

Toujours plus d’isolement !

Le comité de riverains qui a dénoncé des « nuisances  » liées àla prison est largement responsable de la progressive disparition des rares espaces de liberté et d’entraide gagnés au fil du temps par les prisonnières. Depuis l’installation de fenêtres antibruit dans les cellules, les échanges sont devenus quasiment impossibles (voir L’Envolée N°52 : ) : finis les échanges de nourriture ou de petits mots de fenêtre àfenêtre au moyen de « Yoyos  », finies les discussions de cellule àcellule, finis les parloirs sauvages avec les proches venus crier leur amour ou leur soutien de la rue. De plus, la vie en cellule est devenue intenable àcause de la chaleur et du manque d’aération.

« Du 2e au 4e étage, tu n’as aucune possibilité d’ouvrir une fenêtre. Tu as des fenêtres fixes, avec des petits trous sur le côté sur une paroi en fer. Mais c’est le seul truc où l’air peut passer dans ta cellule. Je te donne un exemple : je pouvais pas faire àmanger. Tu peux pas te permettre de faire des frites : tu vas sentir la friture à400 km ! Tu as tout dans la même pièce : ton linge, tes affaires…  »[Témoignage du 23 décembre]

Violences pénitentiaires

Pour éviter que les prisonnières ne contestent les conditions de survie qui leur sont imposées, la gestion de la détention s’est durcie. Sous couvert de lutte contre le terrorisme, les prisonnières ont notamment subi une « fouille sectorielle  » d’une extrême violence dans la nuit du 3 au 4 novembre dernier. Les Eris (équipes régionales d’intervention et de sécurité, créées en 2003 pour militariser le maintien de l’ordre dans les prisons) ont insulté, frappé, humilié et fouillé les prisonnières ànu ; et aussi saccagé les cellules.

« On a fait un blocage, du coup, et finalement c’est les Eris qui sont venus. Ils ont quasiment massacré les filles. Y a quand même une fille qui a fini au cachot pendant vingt jours avec la mâchoire cassée. C’est assez costaud, quand même.  »[Témoignage du 23 décembre]

« Un des Eris a tordu le bras àune fille, et elle s’est retrouvée àplus bouger du tout, de la mâchoire au bras. Il y est allé avec un pied sur la tête, l’autre pied sur le bras. Ils l’ont mise àpoil ; ce sont des hommes qui l’ont mise àpoil, et pas des femmes.  »[Témoignage du 25 décembre]

Fouilles abusives et humiliantes

Les prisonnières des Baumettes dénoncent aussi les pratiques plus quotidiennes des ELSP (équipes locales de sécurité pénitentiaire). Intégrées àla prison, ces équipes directement inspirées du modèle des Eris sont venues remplacer les Elac (équipes locales d’appui et de contrôle) en 2019, faisant encore monter d’un cran la militarisation. Depuis des mois, les fouilles ànu sont les violences les plus régulièrement dénoncées par les prisonnières. Elles sont en effet fréquentes depuis mars, et presque quotidiennes depuis quelques semaines.

« Moi, j’ai été fouillée trois fois en un mois par les ELSP. Normalement c’est la surveillante qui vient pour la fouille mensuelle, mais de temps en temps c’est les ELSP qui viennent pour tout te retourner. Pour les fouilles, normalement, on se déshabille, on se retourne. Mais là, il faut lever la jambe droite vers le côté droit, la jambe gauche vers le côté gauche… Comme un chien. Comme si on pissait. Et ce sont des fouilles qui se font àtrois surveillantes, et y en a une qui se baisse et qui regarde entre les jambes. Ils ont tout l’équipement de protection, mais nous on est àpoil, ils en ont rien àfoutre. […] Là, c’est stop, quoi. Je suis pas rentrée en prison pour vivre ça. Ils ont regardé mes parties intimes, c’est un viol ! Plus les placages, nue, par les ELSP, parce que je lève pas la jambe. Je ne suis pas un chien, pour lever la jambe ! J’en peux plus.  »[Témoignage des 24 et 25 décembre]

« Normalement t’as a une fouille mensuelle, toutes les cellules sont fouillées chaque mois ; ça, y a pas de soucis. Làc’est perpétuel, tout le temps : quand tu descends au parloir, t’es fouillée. Tu remontes : t’es fouillée. […] A un moment donné il faut que ça s’arrête. Qu’ils fassent des fouilles, OK, mais y a un minimum de respect àavoir. C’est pire àla MAF que chez les hommes. Chez nous, ça arrive qu’ils te menottent, ils te jettent au sol, ils t’écartent les jambes. Y a une certaine limite. […] A un moment, c’est bon de se déshabiller tout le temps. Moi, j’ai 30 ans, donc tu vois, ça passe, mais je descendais avec une mémé qui avait quand même 64 ans. Au bout d’un moment, elle me regardait, limite elle était àdeux doigts de pleurer.  »[Témoignage du 23 décembre]

« C’est des fouilles au corps avec menottes, jambes écartées. Elles regardent dessous nos parties intimes à3, 4 surveillantes. T’as des coups de pieds quand tu veux pas. […] Cette semaine, c’était six fouilles. Elles ont donné des coups de pieds àcause de mon refus d’écarter mes fesses. Placage au sol nue, àtrois sur moi. J’avais rien du tout… J’en peux plus. […] Tous les jours elles débarquent, c’est invivable ! Grave de chez grave tout ce qui ce passe. Les ELSP hommes restent avec le chef de détention àma fouille àcorps nue, c’est grave !  »[Témoignage du 24 décembre]

Résistances et solidarité !

Malgré tout, de nombreuses prisonnières de la MAF font part de leur inquiétude àl’extérieur, et se mobilisent de différentes manières : début novembre, elles refusaient de remonter de promenade ; depuis, elles multiplient les recours juridiques ; et dernièrement, elles appellent àfaire un maximum de bruit tous les jours et àboucher les Å“illetons tous les matins à7 heures.

« Entre les prisonnières, c’est comme partout, hein : y a des gens bien, et d’autres qui sont moins bien. Mais y a une méchante solidarité ; malgré les disputes et certaines embrouilles, y a vraiment une méchante solidarité.  »[Témoignage du 23 décembre]

« De 22 heures à22 h 30, on a tapé aux barreaux en disant : ‘Justice, Dupont-Moretti !’  » Ça a fait péter les plombs aux bleues.  »[Témoignage du 25 décembre]

« Je vous dis : tapez àune fenêtre, àla plaque de fer qui coupe votre respiration toute la journée. Où votre oxygène ne se renouvelle pas. La moitié de votre cerveau, elle est paralysée parce que votre oxygène ne se renouvelle pas. Vous chiez dans votre cellule, ça part pas. Vous vous douchez, ça part pas… Tapez dessus, tapez dessus !  »[Témoignage du 19 décembre]

« Je veux faire de gros bisous àla MAF, encourager toutes les filles àrester fortes et àne pas se laisser aller par rapport àtout ce qui se passe. Même si certaines ne l’ont pas encore subi, on est toutes àl’intérieur, et c’est susceptible d’arriver àtoutes. Parce que vous avez toutes vu : que l’on soit agitée ou pas agitée, eh ben ça peut arriver àn’importe quelle personne.  »[Témoignage du 19 décembre]

[Repris du site du journal anti-carcéral L’Envolée.]


  • Parloir Libre est une émission de dédicaces pour les prisonniers et les prisonnières des Baumettes et leurs proches, tous les samedis de 19h à21h et tous les jeudis de 20h30 à22h. Sur Radio Galère 88.4FM.
  • L’Envolée, l’émission pour en finir avec toutes les prisons, donne la parole aux prisonniers, prisonnières et àleurs proches. Émission de radio chaque vendredi de 19 à20h30 sur FPP 106.3 en région parisienne et MNE 107.5 àMulhouse, sur RKB 106.5 en centre Bretagne les lundis à22h, et sur les webradios Pikez (dimanche à11h) et Station Station (lundi à13h). Podcasts disponibles sur toutes les plateformes de podcast.
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