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Saint-Louis, USA : Balades sauvages après un énième meurtre policier (8 et 9 aoà»t 2014)

dimanche 12 octobre 2014

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Acte 2 : soulèvement de St-Louis après un autre meurtre policier

Juste après la tombée de la nuit mercredi àSaint-Louis, un flic a tué Vonderitt « Â Drew  » Myers, âgé de 18 ans. C’est le troisième incident de flics tuant des hommes noirs en deux mois – ce qui n’est malheureusement pas supérieur àla moyenne. Ce qui est supérieur àla moyenne cependant, c’est la réaction des gens. Comme Mike Brown, il y a eu un débat pour savoir s’il avait résisté, s’il était armé, s’il avait volé des cigares ou tiré sur la police, tout cela devrait être des motifs pour lesquels tu te fais buter. Pour nous, cela n’a pas d’importance. Nous sommes contre la police et tout ce qu’elle fait.

Ce qui s’est passé ces deux dernières nuits va dans la continuité continuité de Ferguson àbien des égards, mais il y a aussi quelque chose de plus. Ici, àSaint-Louis, la réponse àla police tuant des gens est maintenant de descendre dans la rue en représailles. Bien qu’il y ait chevauchement entre ceux qui ont été dans les rues de Ferguson et dans le sud de Saint-Louis, il y a d’autres éléments en jeu. Les coups de feu se sont passés dans le quartier Shaw, près de Tower Grove Park. Le quartier s’appelle lui-même « Â revenu mixte  » et « Â diversité  » comme un droit de se vanter, mais les tensions de classe et raciales sont très répandues.

L’agent qui a tué Myers n’était pas en service mais travaillait pour une société de sécurité privée, GCI security, embauchée par les résidents de la classe moyenne et supérieure. Les marches ont été très axées sur la race et la police, mais aussi sur la classe, ciblant explicitement la classe supérieure comme la source de leur oppression. Comparé àl’atmosphère bruyante àFerguson, ce groupe (tout aussi sauvage) était bien plus mélangé. Ce qui suit est un assemblage de compte-rendus des deux dernières nuits.

Mercredi 8 octobre

À 22 heures, il y avait environ une centaine de personnes au croisement de Klemm et Shaw. Peu de temps après que la police ait démarqué la scène de crime, l’énergie de la foule a changé vu que ça grossissait dans les rues. Immédiatement après être descendue du trottoir et avoir pris la rue, la foule s’est précipitée et a entouré la police se tenant au carrefour autour de leurs voitures.

La foule a commencé àroder autour des flics, àles encercler, leur criant dessus, en ne les laissant pas se déplacer. Les flics ont été clairement terrifiés. Des chants de « Â Ã€ qui sont les rues ?! À nous !  » ont été changés en « Â Ã€ qui sont les rues ?! À Drew !  » et ont été en fait utilisés pour chasser la police de la rue. Des petits groupes de 3 à5 flics debout près ou autour de leurs voitures ont été encerclés et raillés aux cris de « Â flics dégage  » et « Â Va te faire foutre, porc  ». Les flics ont reculé nerveusement, puis ont accéléré le pas car ils ont été bousculés et poussés hors de la zone.

Les gens ont commencé àencercler des voitures de police et àne pas les laisser partir, donnant des coups de pied aux véhicules, et àun moment poussant physiquement un flic loin de son 4X4 et ne le laissant pas le regagner. Le même 4X4 a eu ses feux arrières et son essuie-glace arrière arrachés. Des morceaux d’un feu arrière ont été pris comme souvenirs. Au moment de quitter les lieux, la voiture d’un policier a eu sa vitre arrière brisée.

À l’autre extrémité de la rue, des personnes couraient après un autre petit groupe de policiers qui avaient été laissés àl’arrière. Des mots d’intimidation leur ont été criés : « Â Vous avez la trouille maintenant ?! Vous savez ce que c’est que d’être effrayé maintenant ?! Allez vous faire foutre  ». Un flic nerveux dans le groupe a commencé àêtre frénétiquement àla recherche d’un flic manquant : « Â Où est Joe ? Où est Joe ? Il n’est pas là !  », alors qu’il montait dans une voiture. Avec un esprit malin, des gens ont répondu en riant : « Joe est parti, mec ! Nous ne pouvons pas le trouver. Il est probablement mort !  » Les flics se sont précipités sur le siège arrière d’une voiture et ont accéléré àtoute vitesse. Après que la police soit partie, les gens ont commencé àdescendre le quartier Shaw, vers l’est en direction de la Grande Avenue.

Pour le reste de la nuit, la police est restée àdistance. Même lorsque la police a appelé àl’aide lorsque leurs véhicules ont été attaqués ou pour des renforts sans rapport avec la marche, les agents ont répondu avec des appels ૠ toutes les voitures hors de la zone  ». Un hélicoptère a suivi la foule pour le reste de la soirée, bien après que des coups de feu aient été tirés (peut-être vers lui), c’est resté obscur.

Après plusieurs faux départs, la marche s’est finalement rendue au croisement de Shaw et de Grand et l’a bloqué. À ce moment, il y avait probablement 200-300 personnes bloquant la circulation et causant la fermeture de l’autoroute par la police. Durant environ 40-60 minutes, le groupe ne pouvait pas décider où aller et il y avait plus de faux départs au nord et sud. À un moment, le chef de la police, Sam Dotson, est apparu pour essayer de calmer les gens, mais un groupe d’adolescents l’a arrêté, l’un est monté sur la voiture et a commencé àle bousculer et àse moquer de lui. Dotson lui a ordonné de descendre, et le gamin lui a rendu la pareille, contraignant Dotson àpartir frustré.

Finalement, le groupe s’est rendu au sud sur Grand de la zone de bars, cafés et entreprises, mais au moment où nous sommes arrivés les gens étaient épuisés et ne disaient pas grand chose, ils marchaient juste. À ce moment certaines personnes ont quitté la marche - d‘épuisement ou frustrées par sa direction, mais d’autres l’avaient rejointe. Nous nous sommes finalement rendus àGravios (àenviron trois miles de làoù nous avions commencé). Nous avons bloqué le carrefour et arrêté la circulation clairsemée àcette heure tardive. La marche n’aurait probablement pas pu rester plus de quelques minutes, mais un automobiliste nous a ordonné de nous déplacer. À ce stade, les gens se sont revitalisés et ont commencé àhurler sur le conducteur. Finalement, la police est venue avec deux véhicules pour protéger le conducteur ou l’aider àse déplacer et entourer les gens. Réalisant que c’était une erreur, les policiers ont fait demi-tour pour repartir. Quand ils l’ont fait, deux personnes ont jeté des pierres en même temps et ont éclaté leur fenêtre arrière alors qu’ils se retiraient brusquement. Les flics, sachant qu’ils étaient moins nombreux, n’ont même pas arrêté leur trajet.

À ce stade, le groupe essayait de se décider où aller. Nous savions que nous devions continuer àavancer, mais il n’y avait pas de bonnes options autres que de redescendre en direction de Grand vers la police qui venait juste d’être attaquée, et c’est ce que nous avons fait. Et la police a gardé la distance. Cela en dit long sur le climat social àSaint-Louis en ce moment : après avoir attaqué une voiture de police, la même marche a pu se diriger en leur direction sans représailles de la police.

La marche est finalement retournée àShaw et Grand, et les gens (environ 300-400 personnes) ont bloqué le carrefour. Il était 2h du matin. Les gens se sont allongés en disant qu’ils occupaient le carrefour pour la nuit et ne partiraient pas. Contrairement àd’autres nuits où les assauts de la police ont restreint notre capacité àparler librement en tant que groupe, nous avons pu passer un peu de temps àparler et àplaisanter. Des débats amicaux ont été lancés au sein des groupes de la foule. À quatre heures, la plupart des gens étaient partis pour la nuit.

Jeudi 9 octobre

Les gens se sont rassemblés de nouveau àl’intersection de Shaw et Klemm pour une veillée autour de 18h30. Après environ 40-60 minutes un groupe de personnes a pris des mégaphones et lancé quelques chants qui ont agacé les gens. Le groupe a plus ou moins contrôlé la marche durant l’heure suivante. Il y avait un groupe de personnes qui tentaient de diriger les choses, mais pour la plupart, l’ambiance était turbulente et les gens faisaient eux-mêmes preuve d’imagination. À ce stade, et tout au long de la soirée, des jeunes filles ont porté le mégaphone, conduit les chants, et avaient une voix forte [1] dans la façon dont les événements se sont déroulés.

La marche a fait de nouveau son chemin de Shaw àGrand et bloqué la circulation pendant un moment - c’était autour de 19h30 et davantage de trafic a été bloqué par rapport àla nuit précédente. Une voix forte nous a suggéré de nous déplacer vers le nord jusqu’àGrand, vers l’échangeur I-44. Lorsque le groupe est arrivé au croisement, il s’est étendu àtous les angles de l’espace énorme, bloquant les véhicules pour entrer ou sortir de l’autoroute et ceux circulant vers le nord et le sud sur Grand.

Aux chants de « Â Qui ferme cette merde ?! Nous fermons cette merde !  » La marche a bloqué une artère importante de la ville, empêchant le flux standard du trafic qui compose la réalité quotidienne banale de la vie urbaine. Étant donné que c’était un jeudi soir, le commerce de la ville n’a pas beaucoup été perturbé par le blocus, mais des centaines de voitures ont été contraintes de faire demi-tour et de trouver d’autre routes (et, désormais pratiquée, cette tactique pourrait être employée àl’avenir d’une manière plus stratégique). Des confrontations, des débats et conversations avec des automobilistes se sont succédés durant une demi-heure, avec des manifestants expliquant aux conducteurs qu’ils allaient fermer la ville jusqu’àce que les flics arrêtent de tuer (sic). Encore une fois, les femmes étaient parmi les manifestants les plus présents, àla fois par la voix et la confrontation au sein du groupe, prenant l’initiative dans le blocage de la circulation et pour faire face aux voitures.

Après environ une demi-heure, il semblait évident que la police nous laissait faire tout ce que nous voulions et avait ordre de rester en arrière. Une fois de plus, la police a apparemment reçu l’ordre de rester en retrait.

Quelqu’un a commencé àdire au groupe que l’une des rues les plus riches du quartier - principalement responsable de la sécurité qui a embauché le flic qui a tué Myers - est àseulement quelques pâtés de maisons – et que nous devrions aller les réveiller et les tenir pour responsables.

Ainsi, le groupe est parti àFlora Place. La rue est fermée àune extrémité, a un grand espace d’herbe qui passe au milieu, une voie de circulation àsens unique sur chaque côté et des maisons chics. Quelqu’un s’est mis àsouffler dans une corne de brume et a fait le tour pour que d’autres l’utilisent. La foule a commencé àapplaudir de plus en plus fort. Les gens allaient sur ​​les deux côtés de la rue, [...] chantaient des choses comme « Â pas de justice, pas de sommeil !  », ôtant des ornements de hottes, en arrachant les drapeaux des porches des gens… au moins une fenêtre d’une maison bourgeoise a été brisée. Certains ont prétendu que c’était la maison d’un flic de la ville, mais d’autres ont dit que c’était de la haine de classe aléatoire (sic).

Après quelques mètres, des personnes se sont arrêtées au milieu de l’intersection pour brà»ler tous les drapeaux qui avaient été collectés. Il n’y avait qu’une personne visiblement contrariée de ce qui se passait, mais tout le monde hurlait et acclamait. Des gens ont répondu àcette personne en disant nonchalamment qu’ils n’en ont rien àfoutre du drapeau ou en criant passionnément que le drapeau ne représente pas les gens de couleur – ou que ça représente seulement le génocide et l’esclavage commis àleur encontre. Comme les drapeaux étaient en feu, quelqu’un s’est saisi du mégaphone et a rappelé pour commencer que le drapeau n’a jamais été le nôtre, et que nous sommes dans ce quartier en conflit avec les riches qui sont les plus gros soutiens de cette entreprise de sécurité qui est làpour faire respecter l’ordre et les divisions raciales.

Une autre chose impressionnante de cette soirée de jeudi a été la solidarité et la complicité au sein du cortège. Il s’est très vite répandu parmi les manifestants que les flics recherchaient quelqu’un avec un sweat-shirt rouge, et la réponse des personnes a été d’annoncer ça discrètement et de dire àla personne portant le pull en question de l’enlever et de mettre autre chose. Cela a été fait d’une manière amicale et dans l’intérêt de poursuivre l’ambiance festive et agitée sans que personne ne soit en danger. Les gens ont pu changer rapidement de vêtements, discuter et continuer.

À travers l’ensemble de la marche, la présence policière était presque inexistante. Il y avait un hélicoptère qui suivait, mais les voitures de police étaient toutes restées àquelques pâtés de maisons. Après l’incendie des drapeaux, les gens se sont déplacés en direction de Grand et Arsenal.

Il était clair que les flics étaient près de l’intersection de Grand et Arsenal vu que la manif approchait, mais pour un court laps de temps, ils sont restés en retrait lorsque le groupe a bloqué l’intersection. Il y avait trois flics debout le long d’un bâtiment et beaucoup de gens ont commencé àles entourer, àleur crier dessus et àles insulter. Ils étaient entourés et contre un mur tandis que la foule hurlait et les poussait. Ils étaient terrifiés. C’était très beau. En une minute, des dizaines de policiers ont commencé àpartir dans toutes les directions àtravers la foule avec leurs matraques en l’air. Les flics acculés se sont finalement frayés un chemin hors de la foule et les gens sont retournés dans la rue. Ailleurs, une pierre a été jetée àtravers une vitre d’un magasin.

Les flics ont séparé la foule, poussant certains vers Arsenal et d’autres vers Grand. Les gens poussaient contre les flics, leur disant de foutre le camp et hurlant sur ​​leurs visages. En quelques minutes, une foule a été poussée àla fois àl’est et àl’ouest par la police... Les gens ont commencé àse disperser sur les côtés. Dans le tumulte, plusieurs personnes qui étaient entre les mains des flics ont été extirpées puis bien cachées au sein du cortège, et ensuite des groupes de la foule ont bloqué le travail des flics qui tentaient d’interpeller d’autres personnes. Les gens sont restés dans les rues, marchant et chantant, pendant encore deux heures de plus.

Comparée àd’autres manifestations des dernières années, la réponse àces assassinats a une continuité, une mobilité, une présence dans la rue ; une analyse de classe qui va au-delàde celle d’une certaine élite mondiale inaccessible (tels que les « Â 99%  » mystiques d’Occupy [2]) ; allant dans les maisons de ces bâtards (riches) ; prenant l’espace et le défendant ; pillant/redistribuant les richesses ; haïssant ouvertement la police au lieu de les y inviter, etc…

Les médias continuent leur ligne éditoriale par « Â une manifestation pacifique a tourné àla violence  » au sujet de tout cela. Soyons clair qu’àpartir du moment où le groupe a quitté la veillée, le jeudi, c’était sauvage et militant. Il n’y a eu de « Â tournant  » àaucun moment pour ce groupe, ni de la part d’un petit groupe dont les actions se démarqueraient de celles de l’ensemble du groupe. Il semble que Saint-Louis soit en voie d’établir une tradition de représailles pour les meurtres de la police. La plupart des gens ont un flic dans leur tête, les contrôlant. Maintenant, les flics de Saint-Louis ont un émeutier dans leur tête, les faisant réfléchir àdeux fois avant d’appuyer sur la gâchette.

[Traduit de antistatestl par Le chat noir émeutier, 10/10/2014.]


[1Cette précision faite avec insistance dans le texte est àmettre en lien avec les marches anti-police àFerguson, dans lesquelles les récupérateurs réactionnaires de la cause noire (« Â Nation of Islam  », New Black Panther Party  »â€¦) exigeaient que les femmes rentrent àla maison. Ce qui n’était pas passé sans résistance. Et ces initiatives de la part de jeunes filles montrent une fois de plus que ces larbins du pouvoir sont pratiquement inexistants et marginalisés par les opprimés noir-es.
On peut aussi préciser que ces culs-bénis occupent une large place dans les médias US, que ces derniers leur laissent aisément (parce que : organisation ; ainsi que pour leurs rôles de socio-flics et de balances). NdT

[2Référence au mouvement ‘occupy’, que l’on a connu en France sous le nom des Indignés, et qui s’est illustré par des orientations pro-flics (par exemple en les acceptant en AG), citoyennistes, etc…, souhaitant améliorer ce système de domination. NdT