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Depuis petits, déjà...

vendredi 5 mars 2010

Petits déjà, on nous apprenait que nous avions cinq sens. Il y avait la vue, stoppée de toute part à50 mètres par les immeubles de béton et les usines ; l’ouïe, qui permet d’entendre des nuées d’abeilles après avoir travaillé sur un marteau piqueur ; l’odorat, pour sentir les fumées des voitures et des centrales ; le goà»t, pour manger des boîtes et des animaux morts ; le toucher enfin, pour bien sentir l’outil, le paquet de pâte, le journal gratuit, ou tout autre objet permettant de « gagner sa vie  ».

Cette vie, elle nous est volée. Nous sommes comme produits, pour produire des richesses, pour quelques uns. Et ces cinq sens, dont on pourrait se servir pour contempler la splendeur de la nature, pour partager avec les autres, pour saisir le monde et soi même, symbolisent par la somme de sensations désagréables qu’ils nous transmettent quotidiennement, ce vol insensé de nos existences, qui appartiennent aux riches, et àleurs dociles défenseurs.

Que voulez vous ? Le monde est tel qu’il est. Et tel qu’il est, pour quiconque désire ne serait – ce qu’encore voir des abeilles, des lucioles, des papillons, il est àmettre àterre, àmettre àsac, àjeter aux poubelles d’une Histoire qui aura vu, depuis si longtemps, des individus en exploiter d’autres pour leur profit.

Nous sommes dépossédés de nos vies par des patrons qui nous épuisent et nous volent notre temps, des flics qui nous privent de nos amis, des baveux qui choisissent notre défense ànotre place, des fachos déclarés ou non qui nous oppressent pour nos particularités physiques ou autre...

On est dépossédés depuis petits déjà, quand à7h du matin on nous réveillait pour aller se faire enfermer et gaver de force dans des écoles sordides pour nous apprendre ànous taire et àobéir.

Depuis petits déjà... L’imposition des normes, cachée sous des notions foireuses comme le « respect  »... La bouffe de merde, les connards autoritaires qui règnent grâce àla force dans la cour, les pions qui se mêlent de ce qui les regardent pas, les balances déjà(les « rapporteurs  »), les profs tout puissants, leurs cours abrutissants, les horaires imposés, la violence institutionnelle et sanctifiée de droite àgauche, par le monde des grands qui savent mieux que les enfants ce qui est bon pour eux, et qui n’écoutent jamais.

Depuis petits déjà, et jusqu’àla mort dans un Ehpad sordide où on te colle un bracelet électronique pour pas que tu te fasses la malle, on nous vole notre existence et ce qui fait qu’elle pourrait être douce et belle : nos sensations, nos rapports aux autres...

C’est ce qu’un économiste ne comprendra jamais : la violence de la faim et la nécessité de mettre fin àla misère n’empêche pas de vouloir mieux qu’une assiette remplie mais de saloperies, et qu’on peut désirer mieux que « pas de misère  ». On peut désirer la Joie pour chacun, pas seulement l’absence de pleurs. Il faut récupérer nos vies, nous exproprier nous même. Quand voir un coucher de soleil, une étoile, la lune même, nécessite des frais, et du temps, pour sortir de la ville, qui peut trouver ce monde habitable ? Dans les grandes villes, le ciel la nuit n’est qu’un plafond noir. Ils nous ont volé le ciel. Reste ànous de partir àson assaut.

[Extrait de Même pas Peur n°1.]